DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE A DIJON
VITAGORA, le pôle national de compétitivité créé à Dijon pour promouvoir l’innovation autour du goût, de la nutrition et de la santé, rassemble quelque 640 entreprises et emploie 900 personnes. Il compte se développer plus encore grâce au soutien de l’université et des centres de recherche (Cnrs, Inra, Inserm) qui favorisent le transfert de technologies. Afin d’asseoir son excellence scientifique, Vitagora a organisé dans la capitale bourguignonne, les 2, 3 et 4 mars derniers, le 1er Congrès international Santé et Nutrition, une expérience qui doit se pérenniser, souhaite Michel du Peloux, président du pôle santé de Vitagora et P-DG de Merck Médication Familiale.
La première journée de cette réunion était consacrée au rôle de l’alimentation dans la survenue et la prise en charge des pathologies cardio-vasculaires, le diabète et l’obésité, avec, en point d’orgue, la communication du professeur sud-africain Lionel Opié (université du Cap) sur « les substrats énergétiques du coeur ». La seconde a permis de faire le point sur les relations plus délicates à mettre en évidence entre alimentation et cancers.
Trente pour cent des cancers.
L’OMS affirme que 30 % des cancers dans le monde sont associés à la façon de se nourrir. Comment révéler ce lien ? C’est le défi que tente de relever l’étude Epic (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) conduite par le Pr Elio Riboli.
Au début des années 1990, 24 centres de recherche répartis dans 10 pays de l’Union (Danemark, France, Allemagne, Espagne, Grèce, Italie, Pays-bas, Norvège, Royaume-Uni, Suède) ont lancé l’une des plus vastes études jamais entreprises dans le domaine, soutenue financièrement par le programme l’Europe contre le cancer ainsi que par la Commission européenne. Plus d’un million de volontaires sont ainsi suivis, ils répondent à des questionnaires sur leur alimentation et leur mode de vie. «Les 421000 sujets qui ont participé à l’enquête de 1992 à 1998 ont également accepté de nous donner des échantillons de leur sang, ceux-ci représentent quelque 90conteneurs préservés dans l’azote liquide», explique le Pr Riboli. Dans un premier temps, il s’agissait d’élucider le rôle protecteur des fibres contre les cancers colo-rectaux. Ces cancers présentent d’énormes variations d’incidence : élevée en Europe centrale, basse dans les pays méditerranéens, en Grèce, notamment. Epic, qui a particulièrement scruté la consommation d’hydrates de carbone de 100 000 sujets, permet d’affirmer qu’une alimentation contenant entre 25 et 30 grammes de fibres réduit de 30 % l’incidence de cancers du côlon et du rectum.
Autre certitude : la consommation de viande rouge et de charcuterie est liée à la survenue de cancers : une alimentation faite d’un plat de viande quotidien et pauvre en fibre augmente de 50 % l’incidence de cancers, tandis que consommer du poisson deux fois par semaine la fait chuter de 40 %. La viande blanche ne présente pas ces inconvénients, la raison en tenant probablement à l’absence de fer.
Des aliments protecteurs ?
Autre piste de recherche : le rôle néfaste de l’insulinorésistance dans l’apparition des cancers colo-rectaux. Des études sont en cours afin de déterminer si l’augmentation du taux de peptide C est corrélé à l’accroissement du risque. Restent à préciser les actions des produits laitiers et des folates : sont-ils protecteurs ? «Le cancer colo-rectal est d’origine multifactorielle, alimentaire, métabolique..., précise le Pr Riboli. Mais, dès à présent, nous avons des preuves qui nous permettent de donner des conseils diététiques à la population.»
L’intervention du Pr Philippe Bougnoux, du CHU Bretonneau de Tours, a retenu l’attention de l’auditoire par l’originalité de ses travaux. Il s’agit d’étudier le rôle des acides gras insaturés (oméga 3 et oméga 6), ainsi que leurs précurseurs, dans une éventuelle protection contre le cancer du sein. Pour ce faire, il a mis au point la technique du lipidome, «qui mesure chez un individu la composition des lipides à un moment donné, dans un état physiologique ou pathologique donné. Ce qui devrait apporter des informations prenant en compte à la fois les apports alimentaires, les interactions entre acides gras, leur métabolisme et leur relation au risque de cancer du sein». A terme, ce travail pourrait déboucher sur une «intervention nutritionnelle préventive», mais, pour l’heure, «l’utilisation des acides gras oméga3 comme suppléments pharmacologiques ne peut pas être recommandée», insiste le Pr Bougnoux. En revanche, ce fameux oméga 3 (associé à des antioxydants) semble augmenter la sensibilité des tumeurs à la chimiothérapie, ce que laissent espérer les deux premières phases de l’essai thérapeutique conduit à Tours. L’essai randomisé, multicentrique de phase III, est à présent envisagé.
Si les bienfaits d’une alimentation équilibrée ne font pas de doute, prouver l’efficacité de tel ou tel de ses éléments exige beaucoup de rigueur. On est loin des pilules du bien-être qu’offre la parapharmacie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature