L E débat, disons même le conflit interne à la majorité, sur les rave-parties, a au moins un mérite : il aura démontré que le gouvernement légifère trop, trop vite et sans réfléchir, comme il l'a fait avec le projet de loi de modernisation sociale où il a inclus in extremis une disposition hâtive sur les licenciements qui lui a valu les pires ennuis avec le Parti communiste.
Sur les rave-parties, un député RPR du Vaucluse a soumis au Parlement une proposition de loi exigeant l'autorisation préalable, que le ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, a fait sienne. Les députés socialistes, sans doute surpris dans un moment de léthargie, n'ont pas dit non, ce qui leur a valu les très vives critiques des défenseurs traditionnels des libertés et, parmi eux, Bernard Kouchner, qui a tout de suite compris que la loi anti-rave était une mesure des vieux contre les jeunes.
Du coup, le gouvernement a fait machine arrière et Lionel Jospin essaie de convaincre M. Vaillant, son ami, qu'il fait fausse route.
Même la droite est contre
Tandis que le député de l'opposition à l'origine de la proposition, Thierry Mariani, continue de dire que la loi est nécessaire, la présidente de son mouvement, Michèle Alliot-Marie, le désavoue : tous les partis ont compris qu'on n'indispose par l'électorat jeune à quelques mois des législatives.
La polémique montre combien il est difficile aujourd'hui d'exprimer une opinion nuancée. Il n'existe que deux camps, les pro-rave et les anti-rave, les premiers étant de grands progressistes et les seconds des conservateurs ou, mieux, des réactionnaires invétérés.
Bien entendu, le problème ne saurait être résolu de cette façon manichéenne et on assiste, en l'occurrence, à l'une de ces dérives bien connues de la démocratie qui contraint le pouvoir à répondre instantanément à la pression de l'opinion. Ou plutôt des opinions puisqu'il s'agit de contenter les jeunes, après les conducteurs d'autobus ou de trains, les agriculteurs ou d'autres catégories professionnelles.
Cette façon désordonnée de gérer les affaires de l'Etat en fonction des revendications ou des manifestations est devenue la marque du gouvernement Jospin. M. Vaillant, à qui on reproche par ailleurs une montée de la criminalité, n'est pas antijeunes ; il souhaite seulement que les jeunes soient protégés sur le plan sanitaire ou sur celui de leur sécurité quand ils assistent à une rave-partie. Il n'y a aucun mal à écouter un concert en plein air. Il peut y avoir un problème d'environnement, d'hygiène ou de sécurité quand deux ou trois mille personnes sont rassemblées dans le même lieu et sont sollicitées par les dealers d'ecstasy, dont l'activité délétère est favorisée par une ambiance de fête.
C'est bien connu, beaucoup de jeunes aiment « s'éclater », mot qui en dit long sur le comportement puisqu'il traduit une aspiration à la désagrégation et un brin de nihilisme. Ce n'est pas ce que M. Vaillant souhaite pour les jeunes et si les têtes étaient plus froides, nul ne songerait à l'en blâmer.
Eviter une loi
Ce qui est plus vrai, c'est qu'il existe déjà dans les textes en vigueur tout un arsenal de dispositions, par exemple sur les rassemblements et les manifestations, qui permettent de contrôler les rave-parties. On aurait pu, en conséquence, faire au moins l'économie d'un de ces multiples débats qui passionnent la France presque tous les jours, agir discrètement et laisser les raveurs se réunir tout en les surveillant. Peut-être est-il parfois licite d'interdire mais, compte tenu des tensions qui tiraillent la société française, parfois jusqu'à la rompre, le contrôle discret des raves est préférable à une loi qui tend à en faire un délit.
C'est déjà trop tard, car les passions se sont déchaînées comme d'habitude et il y en a eu qui, à cette occasion, ont attribué le projet sur les raves au puritanisme que Ségolène Royal, ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance ferait régner dans les instances gouvernementales. Ce n'est pas parce que Mme Royal communique beaucoup qu'on doit lui attribuer un défaut qu'elle n'a pas. Si on s'en souvient bien, elle a notamment éliminé le bizutage - la barbarie et l'indignité sous forme humoristique - des écoles et des lycées ; plus récemment, elle s'en est prise à la pédophilie. Si son combat se résume au puritanisme, alors nous sommes tous des puritains.
Des dangers quand même
Les gens ne s'entendent plus parler ou ne savent pas ce qu'ils disent : attaquer ainsi Mme Royal, cela revient à relativiser la pédophilie, crime abominable entre tous parce qu'il détruit l'équilibre de nos enfants. La ministre aura longtemps milité à gauche avant d'entendre de telles insanités alors qu'elle n'a pas ouvert la bouche sur les rave-parties. Elle se croyait socialiste, la voilà identifiée à Margaret Thatcher.
Ce qui ne nous empêche pas d'approuver l'attitude adoptée par les défenseurs habituels de la jeunesse, Bernard Kouchner ou Jack Lang : il ne faut pas réduire l'espace de liberté dévolu aux jeunes. Mais n'oublions pas pour autant les dangers des raves. Ne négligeons pas le rôle de la drogue. Bref, on voudrait presque que le système démocratique se passe des élections : dès que le jour du scrutin approche, on voit la classe politique tirer tous azimuts, dans une ambiance de western. C'est une avalanche de mots qui n'ont plus aucun sens et que semble dicter la seule déraison. Mieux qu'un western. C'est Hellzapoppin.
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