«POURQUOI NE PROFITERIONS-NOUS pas de la réforme des régimes spéciaux pour se pencher sur l'ASV? Il y aurait peut-être plus de sécurisation à travailler sur cette question avec la CGT et FO plutôt qu'avec certains syndicats médicaux...» La boutade, provocatrice, est signée Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF). Lancée dans le cadre d'un colloque organisé par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) sur l'avenir du régime des allocations supplémentaires vieillesse (ASV), elle atteste un changement de cap d'une partie de la profession médicale.
Les exercices passent et le dossier de l'ASV n'avance pas. Pire, il s'épaissit. Représentant 39 % des pensions que touchent les praticiens retraités, l'ASV est aujourd'hui, selon les termes du Dr Gérard Maudrux, président de la Carmf, une grosse «épine» dans le pied de la médecine libérale. Sous les effets combinés de l'évolution démographique (il s'agit d'une retraite par répartition) et d'erreurs de gestion (à commencer par un attentisme certain), ce régime, financé aux deux tiers par l'assurance-maladie pour le secteur I, court en l'état à sa perte. S'il est encore à l'équilibre en 2007, il sera, martèle la Carmf, déficitaire dans quatre ans. Et la cessation de paiement est pour 2013.
Concrètement, pour les médecins, deux possibilités en l'absence de réforme : soit, pour des prestations inchangées, la cotisation passe de 3 600 euros aujourd'hui à 22 000 euros à l'horizon 2030 ; soit la cotisation est gelée et, à même échéance, le point passe de 15,55 à 3,75 euros (les pensions sont donc divisées par plus de quatre).
En mal de négociations avec l'assurance-maladie sur l'avenir de l'ASV (le sujet est conventionnel), la profession souffre aussi d'une forte division au sujet des recettes à apporter au mal. Entre réforme et fermeture pure et simple du dispositif, le coeur des médecins balance. La première solution vient d'être choisie par les dentistes, puis par les pharmaciens : le processus est forcément douloureux – il s'agit de cotiser plus pour toucher moins –, il se solde par un retrait partiel de l'assurance-maladie (qui ne finance plus qu'à 50 % au lieu de 66 % une nouvelle cotisation dite « d'ajustement ») et pérennise le système à moyenne échéance. Aujourd'hui, Alliance mise à part, les syndicats signataires de la convention médicale sont pour le maintien d'une ASV réformée.
La seconde solution est celle que défend inlassablement la Carmf : il s'agit de clore l'ASV (qui s'éteindra d'elle-même au bout d'une cinquantaine d'années) en honorant les points acquis et, pour schématiser, de reporter les cotisations qui disparaissent dans l'opération sur le régime complémentaire et/ou laisser les médecins les utiliser pour se constituer une retraite privée. Ce choix est maintenant celui d'Espace Généraliste, d'Alliance et de la FMF. «Au terme d'une discussion interne très longue et très difficile, nous avons la conviction que la fermeture du régime avec respect au mieux des droits acquis est la solution la plus honorable», explique le Dr Régi.
« Au bord du gouffre ».
S'il est urgent de trouver une solution pour l'ASV, le débat n'en est pas moins très compliqué. Plusieurs notions parasitent les prises de position. A commencer par la genèse de cette allocation. Car l'ASV – au départ, c'est-à-dire au début des années 1960, facultative –, a été créée en contrepartie de l'engagement des médecins à respecter un plafond d'honoraires : la caisse prenait en charge une partie des cotisations retraite des praticiens en échange de leur modération tarifaire. Cinquante ans plus tard, l'ASV est, à ce titre, toujours considérée comme un « avantage acquis » par la profession qui craint, en cas de réforme, un désengagement de l'assurance-maladie. Un point de vue que résume le Dr Martial Olivier-Koehret, président de MG-France : «La fermeture de l'ASV peut être vécue comme un ''on ne paye plus'' de l'assurance-maladie.» Autre écueil : quelle qu'elle soit finalement, la pilule sera difficile à avaler. On peut comprendre dans ce cas que les syndicats médicaux ne fassent pas montre d'un enthousiasme débordant pour mettre le dossier sur la table. Chacun prendra des risques en réformant l'ASV, ce que commente du côté de l'assurance-maladie Me Julien-Daniel Noël, administrateur du RSI (régime social des indépendants) : «Je cite volontiers sur ce dossier la phrase de Paul Ramadier, lors de la création de la vignette automobile en 1956: “Nous étions au bord du gouffre, nous avons fait un grand pas en avant”...»
Réformer ou fermer l'ASV, l'opération ne sera pas de tout repos. Elle serait toutefois imminente, selon le président de la Carmf. «Les dentistes ont réformé leur ASV, les pharmaciens aussi. Les infirmières sont en train de le faire. En toute logique, notre tour va venir, explique Gérard Maudrux. Les décisions ne seront évidemment pas prises le 1erjanvier 2008, peut-être le 1erjanvier 2009.»
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