LES CAUSES de noyade sont classiquement réparties en trois grandes catégories : incapacité à maintenir la tête hors de l'eau, soit chez les sujets ne sachant pas nager et ayant fait une chute accidentelle ou volontaire dans l'eau, soit chez des personnes ne pouvant plus fournir un effort suffisant pour maintenir la tête à la surface ; incapacité à réagir au stimulus engendré par le contact avec l'eau entraînant une syncope ou un coma ; enfin, accidents de plongée. Quelle que soit la cause initiale de la noyade, elle résulte toujours des conséquences conjointes de l'immersion et du syndrome asphyxique.
On décrit trois stades successifs de réaction à l'immersion : pénétration des premières gouttes de liquide ambiant dans l'arbre trachéo-bronchique, induisant un spasme laryngé qui persiste de une à deux minutes, puis mouvements de déglutition secondaire à l'hypoxie à l'origine d'un remplissage de l'estomac par de grandes quantités de liquide, enfin, après quelques minutes, levée du laryngospasme en envahissement de l'arbre respiratoire par le liquide ambiant sous l'effet des mouvements respiratoires agoniques persistants. « Dans 20 à 30 % des cas, le laryngospasme persiste malgré l'hypoxie, aboutissant à une noyade à poumons secs », précise le Dr Christophe Peny, médecin responsable de l'école de plongée des armées à Saint-Mandrier, à proximité de Toulon.
La pénétration du liquide dans le poumons entraîne l'apparition d'un œdème pulmonaire - généralement lésionnel - de gravité variable mais qui, dans tous les cas, domine le tableau. L'eau de mer hypertonique induit des lésions de la membrane alvéolo-capillaire accompagnée de mouvements d'eau et de protéines vers l'interstitium et les alvéoles pulmonaires. Pour sa part, l'eau douce inactive le surfactant pulmonaire et génère des microatélectasies diffuses. Secondairement, le noyé va présenter des signes d'instabilité hémodynamique, des modifications hydro-électrolytiques, des troubles du rythme cardiaque, des lésions neurologiques, des anomalies de l'hémostase et une hypothermie.
Le traitement varie selon le degré de l'atteinte : l'aquastress ne nécessite qu'une surveillance en milieu médicalisée, alors que le « petit hypoxique » devra recevoir une prise en charge pneumologique adaptée et que le « grand hypoxique » et l'anoxique devront bénéficier d'une réanimation complexe.
En apnée ou à l'air comprimé.
« Près de 80 % des accidents de plongée survenant dans la région de Toulon sont liée à une plongée en apnée, en particulier parce qu'ils ont, comme dans le film "le Grand Bleu", hyperventilé avant d'effectuer la plongée », analyse le Dr Peny.
Au cours de l'apnée, la pression alvéolaire en gaz carbonique (PACO2) tend vers un plateau alors que la pression alvéolaire en oxygène (PAO2) diminue exponentiellement en fonction de la durée de l'apnée. La baisse du pH et l'augmentation de la PACO2 entraînent une stimulation des centres respiratoires bulbaires alors que la baisse de la PAO2 agit directement sur les chémorécepteurs carotidiens. « En cas d'hyperventilation préalable à la plongée, la PACO2 baisse sans qu'il existe conjointement une élévation de la PAO2. Néanmoins, cette valeur se modifie en fonction de la profondeur de plongée puisque la pression environnante est telle que les échanges gazeux restent possibles en dépit d'une baisse de la PAO2. La manœuvre d'hyperventilation qui permet de retarder la montée peut se révéler dangereuse au cours de la remontée puisque, de fait, la pression environnante s'abaisse progressivement et ne permet plus de compenser une éventuelle hypoxie. Arrivé à proximité de la surface, le plongeur hypoxique va perdre connaissance alors que sa capnie reste dans les limites de la normale. »
Les accidents liés à la plongée à l'air comprimé sont la conséquence de deux lois physiques qui régissent le comportement des gaz : la loi de Boyle et Marriotte (pression X volume = constante) à l'origine des accidents de décompression et des barotraumatismes et la loi de Henry (la quantité de gaz dissoute dans un liquide est proportionnelle à la pression partielle de ce gaz). Les barotraumatismes surviennent dans les cavités remplies d'air de l'organisme : cavité non compliantes (sinus, oreilles), compliantes (poumon, tube digestif) ou prothétiques (masques). Pour limiter ces accidents, il convient de maintenir une vitesse de descente de 20 à 30 m par minutes et de remontée de 15 à 17 m par minute. Les accidents de décompression, pour leur part, sont la conséquence d'une augmentation de volume de l'azote dissout lors d'une remontée sans respect des paliers de décompression (calculés en fonction de la durée et de la profondeur de la plongée). Ces accidents de décompression peuvent être à l'origine de lésions cutanées, ostéo-articulaires, labyrinthiques, neurologiques ou médullaires. Enfin, il existe des accidents en rapport avec la toxicité des gaz : gaz carbonique, azote ou oxygène (hypoxie ou hyperoxie).
Le réflexe de plongée
Chez certains animaux, les mammifères plongeurs, par exemple, et expérimentalement chez l'homme, il est possible d'observer un « réflexe de plongée », qui survient lorsque la face est immergée dans de l'eau froide. Cette immersion stimule le territoire de la branche ophtalmique de la Ve paire crânienne, entraînant de ce fait une apnée accompagnée d'une bradycardie et d'une vasoconstriction périphérique intense associée à une redistribution du sang vers les territoires dits nobles. Chez l'homme, il semblerait que ce réflexe soit à l'origine de la survie prolongée de marins tombés dans l'eau froide et puisse aussi expliquer des survies en apparence miraculeuses d'enfants après immersion prolongée (jusqu'à 40 min) en eau froide. Les intrications de ce réflexe avec les effets de l'hypothermie sur l'organisme ne sont pas encore parfaitement établies.
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