L'INFLAMMATION joue un rôle dans la carcinogenèse hépatique induite par les agents chimiques : une équipe de l'université de Californie vient de montrer que, lorsque les cellules hépatiques sont agressées par des substances génotoxiques, elles émettent des signaux en direction des cellules de Küpffer avoisinantes. Via des mécanismes inflammatoires, ces cellules vont alors produire des facteurs mitogènes qui favorisent la prolifération des cellules hépatiques et le développement de carcinomes.
L'inflammation est depuis longtemps considérée comme un des facteurs environnementaux susceptibles d'accélérer la progression tumorale. Cependant, les mécanismes moléculaires par lesquels l'inflammation conduit à la formation de lésions cancéreuses sont jusqu'ici restés assez mal définis.
Maeda et coll. ont choisi de s'intéresser au problème en étudiant la formation d'hépatocarcinomes induits par des substance chimiques génotoxiques. Ils ont utilisé des souris transgéniques qui n'expriment pas le gène IKKbêta dans leurs hépatocytes. L'absence de protéines IKKbêta dans les cellules du foie empêche l'activation de NF-kappaB, un facteur de transcription impliqué dans la régulation des réponses immunitaires innées et des processus inflammatoires. En théorie, si la mise en place d'un état inflammatoire local est nécessaire à la progression de la transformation maligne des hépatocytes, l'hépatocarcinogenèse doit être freinée chez ces souris mutantes.
Une injection de diéthylnotrosamine.
Les animaux transgéniques ont reçu une injection de diéthylnotrosamine (DEN), une substance qui endommage l'ADN et qui est connue pour promouvoir la formation d'hépatocarcinomes. Huit mois plus tard, ils ont été sacrifiés et les chercheurs ont procédé à l'analyse de leur foie.
Il est alors apparu que, contre toute attente, l'inactivation du gène IKKbêta dans les hépatocytes conduit à une stimulation de l'hépatocarcinogenèse induite par le DEN. Maeda et coll. ont pu établir que, chez ces animaux mutants, l'injection de DEN conduit à une augmentation de la production de radicaux libres qui provoquent la mort des hépatocytes. La formation de carcinome est alors favorisée par la mise en place d'un phénomène d'une prolifération cellulaire compensatoire. L'administration d'antioxydants au moment de l'injection de DEN bloque cette cascade d'événements. Cette première expérience montre que la carcinogenèse induite par le DEN ne dépend pas de l'activité pro-inflammatoire de NF-kappaB dans les hépatocytes.
Maeda et coll. ont renouvelé leur expérience en utilisant une seconde lignée de souris transgéniques déficientes pour IKKbêta, non seulement dans les hépatocytes, mais aussi dans les cellules de Küpffer avoisinantes. Ils ont alors obtenu des résultats totalement différents : dans cette seconde lignée, la mutation freine la carcinogenèse chimio-induite et inhibe la prolifération compensatoire des hépatocytes. Ce résultat suggère que l'activité de NF-kappaB dans les cellules de Küpffer doit avoir un effet protecteur, qui permet une régulation de la multiplication des cellules hépatiques.
Des expériences complémentaires ont permis à Maeda et coll. de montrer que, chez des souris non mutées, la mort des hépatocytes exposés au DEN active la production de facteurs mitogènes par les cellules de Küpffer. Ces facteurs favorisent la prolifération des hépatocytes, accélérant ainsi le développement de carcinomes. Or il est apparu que la production de ces facteurs dépend de l'activité de NF-kappaB. Chez les souris qui n'expriment pas les gènes IKKbêta dans leurs cellules de Küpffer, ces facteurs ne peuvent être synthétisés : le DEN tue les hépatocytes, mais aucune prolifération compensatoire, potentiellement carcinogène, n'est mise en place.
Pas le rôle que l'on imaginait.
Ces résultats inattendus impliquent que les phénomènes inflammatoires jouent bien un rôle dans l'hépatocarcinogenèse chimio-induite, même si il ne s'agit pas du rôle que l'on imaginait.
Le travail de Maeda et coll. suggère, en outre, que, en ciblant l'activité de NF-kappaB dans les cellules de Küpffer, on pourrait développer des stratégies visant à prévenir la formation de carcinomes hépatiques chimio-induits.
MaedaS et coll., « Cell », vol. 121 ; pp. 977-990.
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