Le gouvernement se dit satisfait de sa mobilisation en faveur des biotechnologies, mais admet que plusieurs handicaps restent à surmonter malgré tout. Partie de ce constat, le conseiller d'Etat Noëlle Lenoir a réuni, à la demande des ministres de l'Industrie et de l'Economie, un groupe de travail mêlant industriels et chercheurs. De leurs quatre mois de réflexion, ils tirent la conclusion suivante : en 2000, la France avait beau se placer au troisième rang européen pour le nombre de sociétés de biotechnologies, il lui reste un important retard à combler concernant les applications commerciales.
Pour que la France « relève le défi des biotechnologies », le groupe de travail expose dans un rapport rendu public le 11 mars toute une série de mesures rassemblées en un « ambitieux » plan d'action, pour la période 2002-2007. A charge pour le futur gouvernement de le mettre en place.
Première proposition : il faut accroître l'effort en faveur de la recherche publique dans les sciences de la vie. Cela passe, entre autres, par le développement de plates-formes technologiques au sein des hôpitaux destinées aux essais thérapeutiques. En outre, le fait de développer les projets multidisciplinaires et la mobilité entre organismes et universités devrait contribuer à dynamiser la recherche publique. L'objectif de cette démarche, selon Alain Fischer, un des membres du groupe de travail, est de créer des « pôles de recherche attractifs, capables d'attirer le monde industriel, les chercheurs étrangers et les postdoctorants français ».
Développer les brevets
Partant du constat que la part mondiale de la France en brevets européens diminue, particulièrement dans le domaine thérapeutique, le rapport milite pour une transposition rapide de la directive européenne de 1998 sur la brevetabilité des inventions biotechnologiques. Y compris le fameux passage - contesté - sur la brevetabilité du génome, à l'origine du retard de la transposition dans plusieurs Etats membres, dont la France et l'Allemagne. Ce sujet précis a entraîné de longues discussions au sein du groupe de travail, qui a fini par conclure que « rien ne s'oppose à la brevetabilité d'un gène », si possibilité d'applications industrielles il y a. L'augmentation du nombre de brevets français passe également par la mise en place d'une formation adaptée des chercheurs et des juristes (cours de propriété industrielle, notions de management).
Parce qu'un brevet européen coûte trois à cinq fois plus cher qu'un brevet américain, le rapport est favorable à l'adoption de la directive sur le brevet communautaire, censé en réduire le coût. Autre suggestion : l'instauration de « conférences internationales d'harmonisation » entre les Etats-Unis, le Japon et l'Europe, qui seraient organisées chaque année. Le but de ces conférences : harmoniser les pratiques en matière de brevetabilité du vivant pour éviter les dérives, telles que l'instauration de monopoles économiques. Noëlle Lenoir reconnaît toutefois qu'il sera difficile de convaincre les Etats-Unis de participer à de telles négociations.
Pour assurer le financement de l'innovation, le rapport propose : de multiplier les fonds nationaux et régionaux d'amorçage, indispensables à la création d'entreprises ; d'amplifier l'action de l'ANVAR (l'Agence nationale de l'innovation) en faveur des biotechnologies en lui accordant une dotation de 100 M d'euros ; de dégager de nouveaux financements pour la recherche privée. Les jeunes entreprises innovantes pourraient être encouragées par des modes de rémunération adaptés tout en bénéficiant de certains avantages fiscaux transitoires.
Des contrats avec les industries pharmaceutiques
Enfin, et c'est sans doute le point le plus important, le rapport déplore la « trop grande instabilité » des contrats entre l'Etat et les industries pharmaceutiques ces dernières années. L'annulation de plusieurs d'entre eux a pu dissuader certains investisseurs et conduire à la délocalisation d'industries françaises. Bilan, « il est urgent de stabiliser le cadre contractuel des relations entre l'Etat et ces industries et assurer à ces dernières une sécurité juridique leur permettant de développer des activités innovantes en France ».
En marge de ces propositions concrètes, le rapport accorde une large place à l'information et à la participation du public. Ainsi, « le gouvernement pourrait lancer un large débat public sur la place des biotechnologies dans l'économie et la société » et les risques éthiques qui leur sont associés. Dans ce dessein, le groupe de travail préconise « de tenir dès le début de la prochaine législature des Assises des sciences de la vie ».
Au final, le plan global décrit par le rapport semble constituer une bonne base pour promouvoir les biotechnologies en France. Laurent Fabius, qui inaugurera jeudi au MEDEC le colloque des bioentrepreneurs, le commentera certainement. Reste à voir si le prochain gouvernement en tiendra compte, et si oui, comment.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature