LE TROUBLE déficitaire de l’attention avec hyperactivité fait beaucoup parler de lui actuellement ; la demande de consultation est importante chez l’enfant et commence à augmenter chez l’adulte.
Il ne s’agit pas pour autant d’un nouveau syndrome ; sa description est ancienne (avant la première guerre mondiale) et l’efficacité des traitements psychostimulants est connue depuis longtemps, en particulier l’efficacité des amphétamines rapportée dès 1937.
Depuis la fin des années 1970, le diagnostic d’hyperactivité est de plus en plus souvent évoqué chez l’enfant et l’hyperactivité constitue un des principaux, sinon le premier, motifs de consultation en psychiatrie de l’enfant. Sa fréquence est de 5 % dans la population générale avec une forte prédominance masculine (4 garçons pour 1 fille).
Trois critères de diagnostic.
Le diagnostic de syndrome d’hyperactivité chez l’enfant repose sur trois signes :
– une agitation excessive et une incapacité à rester assis, à jouer calmement ;
– l’impulsivité : l’enfant a du mal à contrôler ses gestes, ses paroles, ses émotions ; il est impatient, parle excessivement, coupe la parole, répond et agit sans réfléchir ;
– un déficit attentionnel qui est facilement oublié ou négligé alors qu’il est parfois le trouble le plus invalidant pour l’enfant qui est souvent distrait et éprouve beaucoup de difficultés à suivre les consignes et à mener à bien une tâche.
Le diagnostic est porté le plus souvent chez les enfants âgés de 6 à 9 ans, après l’entrée à l’école primaire ; mais on retrouve rétrospectivement la présence des premiers éléments du syndrome avant l’âge de 7 ans.
L’évolution est chronique et continue, ce qui distingue les troubles d’hyperactivité d’épisodes dépressifs ou maniaques. Les enfants ont une intelligence normale, ils ne présentent pas de signes psychotiques.
L’hyperactivité a un retentissement fonctionnel qui ne se limite pas aux activités scolaires. La gêne est importante aussi dans les activités de loisirs, les jeux, les relations avec les autres enfants. L’enfant hyperactif n’est pas facile à vivre, volontiers susceptible et bagarreur et il est souvent rejeté, isolé par les autres ou devient leur bouc émissaire. Très peu de praticiens sont spécialisés dans la prise en charge de ces troubles et les délais d’attente sont très longs. A l’hôpital Robert-Debré, entre la demande de consultation et le premier rendez-vous, il faut compter six mois.
L’hyperactivité n’est pas un trouble héréditaire, mais il existe un terrain génétique incontestable.
Des troubles comorbides fréquents.
Les troubles comorbides sont fréquents chez l’enfant : des troubles de l’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, troubles de la coordination motrice), des troubles anxieux, des tics, des troubles oppositionnels avec provocation.
A l’adolescence, les hyperactifs sont des sujets à risque : risque de commencer plus tôt que les autres à fumer du tabac et d’autres substances toxiques, risque d’une association des troubles à une dépression, à des troubles anxieux, à l’usage de psychotropes, et, pour certains, évolution vers des troubles des conduites avec mensonges, vols, agressions... Au total, de 10 à 20 % des enfants hyperactifs ont des comportements préoccupants, antisociaux, violents à l’adolescence.
Instabilité professionnelle et affective chez l’adulte.
L’évolution se fait plutôt vers une diminution spontanée naturelle, de l’agitation, au moment de la puberté ; mais les autres symptômes, impulsivité et déficit attentionnel, peuvent persister jusqu’à l’âge adulte.
Un enfant hyperactif sur deux va en effet garder des symptômes à l’âge adulte, une impulsivité, un déficit attentionnel qui ont un retentissement important sur la vie quotidienne.
Les adultes qui viennent consulter le font pour deux motifs principaux : parce que le diagnostic a été posé chez un de leurs enfants, parce qu’ils souffrent de déficit attentionnel et que leurs recherches sur Internet les ont conduits à faire un autodiagnostic.
A QI égal, ces adultes rencontrent plus de difficultés à suivre des études universitaires, plus de difficultés à s’installer, ils souffrent plus que les autres d’instabilité affective, le taux de divorces est plus élevé, ils ont des expériences sexuelles plus tôt, un risque d’accident et d’infraction au code de la route plus important à cause du déficit attentionnel et un taux plus élevé de dépressions, d’anxiété, de troubles bipolaires et d’une façon générale de troubles de la personnalité. Ceux ayant un trouble des conduites associé sont plus à risque de toxicomanie et d’installation d’une personnalité antisociale.
Le traitement, efficace, utilise des psychostimulants, Ritaline et Concerta, qui contiennent la même molécule, le méthylphénidate, qui est la seule disponible en France alors qu’aux Etats-Unis les amphétamines sont également utilisées, ainsi que l’atomoxétine.
Le taux de succès, de 75 à 80 %, est en fait, en partie, lié à l’existence ou non de comorbidités. Si la situation sociale familiale est bonne et s’il n’existe pas de troubles des conduites, l’effet est généralement assez spectaculaire.
Hyperactivité et dépression.
Le problème est un peu différent chez l’adulte qui avant tout veut comprendre la raison de ses difficultés. Souvent il est soulagé et déjà satisfait si le diagnostic est posé. Savoir qu’il n’est ni paresseux ni stupide peut être une première étape du traitement et l’aider à faire face. La prévalence des troubles comorbides est fréquente chez les adultes, anxiété, abus de substances toxiques, troubles de la personnalité et, surtout, dépression, la consultation étant parfois motivée par un épisode dépressif surajouté. Il faut discuter la prise en charge de la dépression et la prise en charge de l’hyperactivité : psychothérapie, psychoéducation et coaching, qui est important pour permettre au patient d’affronter les situations et de s’organiser. Le traitement médicamenteux peut être efficace également chez l’adulte.
D’après un entretien avec le Dr François Bange, hôpital Robert-Debré, Paris.
Deux livres
- Comprendre et soigner l'hyperactivité chez l'adulte de François Bange et Marie-Christine Mouren. Editions Dunod ; collection psychothérapies
- Hyperactivité de l'enfant à l'âge adulte de Manuel Bouvard, Marie-France Le Heuzey, Marie-Christine Mouren-Simeoni. Editions Doin.
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