DES VIRUS comme Ebola ou Marburg, découverts en 1967, ont la réputation d’être excessivement contagieux et de tuer la plupart de leurs victimes. «Pourtant, seulement 2439cas dont 1789décès ont été rapportés depuis quarante ans, alors que la majorité des cas de fièvres hémorragiques virales sont dus aux hantavirus (2 millions de cas estimés par an dans le monde, dont plus de 7 000 décès) , au virus Lassa (350 000 cas estimés par an, dont 3 500 décès en Afrique de l’Ouest) , au virus de la fièvre jaune (200 000 cas par an, dont 4 000 décès en Afrique et en Amérique du Sud) et à celui de la dengue (500 000 cas estimés de dengue hémorragique par an, dont 12 000 décès) », explique Pierre Formenty, de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui fait cette semaine un bilan de dix ans de surveillance des FHV dans le monde. Ce point, présenté dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (n° 43-44, du 7 novembre 2006), ouvre une série d’articles sur la menace que constituent les FHV, leur contrôle, la prise en charge des cas suspects localement ou lorsqu’il s’agit d’un cas importé.
Une approche syndromique.
L’élévation du nombre de cas recensés de FHV est probablement due à une meilleure détection, mais reflète aussi une réelle augmentation du nombre d’épidémies liées aux contacts plus fréquents des humains avec les réservoirs animaux dans les forêts équatoriales. La création en 2000 du réseau Goarn (Global Outbreak Alert and Response Network), réseau mondial d’alerte et d’action en cas d’épidémies, dont plusieurs réseaux sont spécifiques aux FHV, permet désormais à l’OMS de collecter en temps réel des rapports ou rumeurs sur de nouvelles flambées, de vérifier les informations, d’alerter et de coordonner l’aide internationale. Ce réseau est tributaire des programmes nationaux de surveillance et, dans le cas des FHV, l’OMS préconise une définition des cas fondée sur une approche syndromique (fièvre brutale + hémorragie) sans attendre l’identification précise de l’agent causal. Cependant, d’autres maladies virales ou bactériennes (rickettsioses) ou même certaines intoxications (produits chimiques, médicaments périmés ou contaminés) autres que les FHV peuvent être la cause de fièvres hémorragiques aiguës. L’épisode survenu à bord d’un navire chypriote au large de la Guyane, dans lequel un membre de l’équipage est décédé d’une fièvre compliquée d’un coma, le confirme. Le « BEH » retrace les étapes de la prise en charge qui a conduit de la suspicion de FHV (diagnostic éliminé grâce aux analyses réalisées par les laboratoires P4 de Lyon et P3 de l’institut Pasteur de Cayenne) à l’identification d’un Plasmodium falciparum. «L’essentiel est de ne pas oublier que la principale cause de fièvre avec thrombopénie reste le paludisme», commente le Pr Elisabeth Bouveret dans son éditorial.
L’infectiologue rapporte que, «dans les années 1980, l’hôpital Claude-Bernard a été équipé d’une «bulle» d’isolement pour d’éventuels patients hautement contagieux. Il n’y a eu aucun cas confirmé et la “bulle” a été supprimée car inutile et dangereuse pour le soin des patients». Depuis, les connaissances concernant le mode de transmission se sont enrichies : il s’agit d’une transmission par exposition au sang et les précautions standards appliquées systématiquement dans les hôpitaux des pays développés suffisent à éviter la transmission nosocomiale, comme l’a montré le cas importé de FHV Congo-Crimée à Rennes en novembre 2004 (« le Quotidien » du 19 avril 2005). Reste, comme le suggère l’article de Pierre Tattevin, Arnaud Tarantola et Christian Michelet, qu’il semble impératif, pour aider les cliniciens, d’élaborer des recommandations spécifiques, pratiques et réalistes qui tiennent compte des connaissances acquises, à l’instar de ce qui s’est fait pour le Sras ou la grippe aviaire.
Coutumes et traditions.
Quant à la question grave de la prise en charge immédiate des cas sur les lieux mêmes de l’épidémie, celle de Marburg qui a touché l’Angola, la plus importante jamais décrite, qui a nécessité l’intervention de plus de 20 organisations, a montré l’importance de tenir compte des coutumes et des traditions locales, notamment pour ne pas faire obstacle au travail de deuil des familles (préparation des corps, enterrements) et ne pas courir le risque de se couper de la population. Bref, la gestion des épidémies s’est améliorée au cours des dernières années, même si des progrès restent à faire, notamment sur la collaboration avec les programmes de santé animale et les modèles prévisionnels. Des vaccins et des médicaments à utiliser en postexposition contre Ebola et Marburg sont attendus prochainement.
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