De notre correspondante
à New York
LE POTENTIEL des cellules souches nerveuses et des cellules précurseurs de lignées nerveuses restreintes pourrait être immense en médecine de transplantation réparatrice. Il permettrait de traiter toutes sortes d'affections neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, lésion cérébrale ischémique, lésion médullaire).
Toutefois, si les cellules souches nerveuses sont capables de se renouveler (ce qui permet leur expansion in vitro) et de donner naissance à la fois aux neurones, aux astrocytes et aux oligodendrocytes, on ne contrôle pas bien leur processus de différenciation et leur destinée, ce qui constitue un obstacle à leur utilisation thérapeutique.
Quant aux cellules précurseurs (ou progéniteurs) de lignées plus restreintes du système nerveux central (SNC), dont plusieurs types ont été isolés dans le SNC, leur faible capacité de division limite leur expansion in vitro, et bloque, là aussi, leur utilisation éventuelle à des fins thérapeutiques.
Une équipe dirigée par le Dr Steven Goldman (University of Rochester Medical Center, New York) décrit une stratégie pour lever cet obstacle.
Surexpression de la télomérase.
Ces progéniteurs se divisent peu car ils ont supprimé l'expression de la télomérase, l'enzyme qui permet la division cellulaire continue en maintenant la longueur des télomères. Pourquoi ne pas surexprimer la télomérase dans ces cellules afin de maintenir leur division ?
D'autres types de cellules différenciées ont déjà été immortalisés (cellules épithéliales pigmentaires de la rétine, fibroblastes, cellules endothéliales, ostéoblastes) en surexprimant la télomérase reverse transcriptase (hTERT). Aucune de ces lignées cellulaires immortalisées n'a montré un potentiel malin accru.
Roy, Goldman et coll. démontrent le succès de cette stratégie pour établir des lignées de progéniteurs capables de donner naissance à des neurones de même phénotype restreint que leurs parentes immortalisées.
Pour cette première expérience de principe, ils ont pris des progéniteurs de la moelle épinière de fœtus humains (de 9 à 18 semaines). Ils ont introduit dans ces cellules, à l'aide d'un vecteur rétroviral, le gène de la télomérase transcriptase reverse (hTERT).
Résultat : ces cellules surexprimant la télomérase sont bien immortelles et donnent naissance à des sous-populations soit de neurones, soit de cellules gliales, dont le phénotype reflète la région de la moelle épinière d'où elles sont dérivées.
Ils ont analysé une lignée prototype qui produit des neurones medullaires (interneurones et neurones moteurs).
Cette lignée fabrique continuellement in vitro de nouveaux neurones qui sont bien postmitotiques (qui ne se divisent pas), mûrs et fonctionnels.
Intégration dans la moelle de rats.
Elle peut, après transplantation dans la moelle épinière lésée des rats, produire in vivo des neurones qui s'intègrent et survivent au moins six mois après l'implantation, sans créer de tumeurs.
Enfin, les lignées de progéniteurs immortalisés (plus de 168 divisions jusqu'ici) conservent un caryotype normal et ne semblent pas vieillir.
A l'avenir, des types spécifiques de progéniteurs nerveux peuvent être extraits par méthode de fluorescence et transfectés par l'hTERT pour produire des lignées encore plus spécifiques (des neurones moteurs ou des neurones exprimant un neurotransmetteur spécifique, par exemple).
« Ces lignées progénitrices faites sur commande pourraient devenir des vecteurs particulièrement utiles pour les thérapies cellulaires nerveuses », notent les chercheurs. « De telles lignées pourraient restaurer le cerveau et la moelle épinière endommagée. »
« Nature Biotechnology », 16 février 2004, DOI : 10.1 038/nbt944.
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