C'est « la relation étroite » qui existe entre l'environnement et la santé, notamment la santé en matière de reproduction, que le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population) met en avant dans son rapport sur « L'état de la population mondiale 2001 », intitulé « Empreintes et jalons : population et changement environnemental »*. « L'état de l'environnement aide à déterminer si la population est en bonne santé ou non », lit-on dans le rapport. Il aide encore à définir la durée moyenne de vie. L'état de l'environnement, compte tenu des changements survenus (pollution et dégradation, changement climatiques extrêmes), contribue sensiblement à la diffusion des maladies transmissibles qui causent, chaque année, « 20 à 25 % des décès dans le monde ».
Des maladies évitables
Il y a des maladies sur lesquelles l'environnement influe plus que sur d'autres, notamment les maladies infectieuses et parasitaires et les infections et maladies respiratoires. Le FNUAP estime que 60 % des infections respiratoires aiguës, 90 % des maladies diarrhéiques, 50 % des états respiratoires chroniques et 90 % des cas de paludisme pourraient être évités grâce à des interventions simples modifiant l'état de l'environnement. Ce qui améliorerait les perspectives de développement, surtout dans les pays pauvres.
L'eau non salubre et l'assainissement médiocre lié à son utilisation tuent plus de 12 millions de personnes par an. Les changements intervenus dans l'utilisation des sols peuvent créer de nouveaux sites de couvaison des insectes, vecteurs de maladies. Par exemple, la schistosomiase a pénétré en Egypte et au Soudan après la construction du barrage d'Assouan (Egypte). Quant au défrichage des forêts tropicales, il crée une couche imperméable d'argile où l'eau de pluie peut stagner et les moustiques, se multiplier. Chaque année, le paludisme est responsable de plus d'un million de décès (10 % du nombre total de décès dans l'Afrique subsaharienne).
L'air pollué : 3 millions de morts
Grave menace pour la santé de la population mondiale, la pollution atmosphérique tue, tous les ans, environ 2,7 à 3 millions de personnes, dont 90 % environ dans les pays en développement, selon les chiffres transmis par le FNUAP. On estime que les composantes les plus dangereuses pour l'homme sont le dioxyde de soufre (dû à la combustion du pétrole et de charbon à haute teneur en soufre), les matières particulaires (provenant des feux allumés par les ménages, des centrales thermiques, des établissements industriels et des moteurs Diesel), l'oxyde de carbone et le dioxyde d'azote (provenant des gaz d'échappement des véhicules à moteur), l'ozone et le plomb. Le rapport distingue la pollution de l'air hors habitation, à l'origine de la mort de 500 000 personnes par an (30 % des décès dans les pays en développement), de la pollution dans les habitations.
Parlons de la pollution de l'air hors habitat : le FNUAP pointe du doigt les mégapoles des pays en développement, comme l'ex-Union soviétique, où la situation serait « particulièrement grave ». Là-bas, le volume de la production industrielle a diminué, notent les experts, mais les transports automobiles se sont développés.
Dans les habitations des pays en développement, l'air n'est pas meilleur qu'à l'extérieur. La suie provenant de la combustion du bois, les excréments animaux, les résidus de récolte et le charbon utilisé pour la cuisson des aliments et le chauffage est nuisible pour 2,5 milliards de personnes, surtout des femmes et des petites filles. Cette forme de pollution entraînerait la mort de plus de 2,2 millions de personnes chaque année, 98 % des victimes étant dans les pays en développement.
Depuis 1900, l'industrialisation a introduit dans l'environnement près de 100 000 produits chimiques. Les effets de la plupart d'entre eux sur la santé n'ont pas été étudiés. Certains, en raison de leur caractère toxique, sont interdits dans les pays industrialisés. Mais certains seulement. Beaucoup ont pénétré l'air, l'eau, le sol et les aliments, ainsi que le corps humain, dans les pays développés comme ailleurs. Selon le FNUAP, « certains de ces produitssont en partie responsables des fausses couches et des problèmes de développement, de la maladie et de la mortalité des enfants ». « L'exposition aux rayonnements nucléaires et à certains métaux lourds a des impacts génétiques », affirment les experts. Ils soupçonnent une catégorie de ces produits chimiques, « qui perturbe le fonctionnement des glandes endocrines, d'être une cause majeure des troubles de l'appareil reproducteur et de la stérilité ». Et de citer les phtalates (plastifiants qui se trouvent dans les polychlorures de vinyle, utilisés dans les sacs en plastique et l'équipement pour injections intraveineuses, ainsi que dans les savons, les laques, les vernis à ongles et les produits de beauté), les polychlorobiphényles (PCB) autrefois utilisés dans l'équipement électrique et encore présents dans des sites d'évacuation de déchets, les dioxines et au moins 84 pesticides. Selon le rapport, « la recherche sur les effets de ces produits chimiques partout présents n'est pas concluante, mais des indices de plus en plus nombreux établissent leur part dans un large éventail de problèmes, à savoir : la stérilité féminine, les fausses couches, la concentration insuffisante des spermatozoïdes, le cancer des testicules et de la prostate et autres troubles de l'appareil procréateur, comme l'hypospadias (malformation du pénis), la cryptorchidie (non-descente des testicules) et la puberté précoce chez les filles, l'endométriose et les cancers du sein, des ovaires et de l'utérus ». Les experts concluent à la « nécessité de soumettre les produits chimiques à des essais plus complets et rigoureux, comme l'Union européenne le propose actuellement, et notamment de mieux déceler l'exposition aux substances nocives », afin de l'éliminer.
* « L'état de la population mondiale 2001 », disponible sur le site Web du FNUAP, www.unfpa.org/swp/swpmain.htm
Pour un abord global de l'aide au développement
Si le rapport du FNUAP consacre un chapitre important à la santé et l'environnement, il aborde de manière extrêmement large, les « grandes questions qui se posent au XXIe siècle ». Notamment, la question de « savoir si les activités du XXe siècle nous font entrer dans un conflit inéluctable avec l'environnement et, dans l'affirmative, ce que nous pouvons faire pour le résoudre ». Nous avons doublé en nombre depuis 1960, rappellent les experts, pour atteindre 6,1 milliards, et la croissance se concentre surtout dans les pays pauvres. « Une bonne intendance de la planète et le bien-être de sa population » sont, selon eux, « une responsabilité collective. »
Selon le Dr Marie-Claude Tesson-Millet, présidente de l'association Equilibres et Populations, interrogée par « le Quotidien », « il serait évidemment réducteur de relier directement l'explosion démographique et la détérioration de l'environnement qui ont toutes deux marqué le XXe siècle. Mais il serait tout aussi irréaliste de nier que le nombre des consommateurs accroît forcément la pression sur les ressources. En fait, il faut analyser les tendances démographiques - fécondité, âges, sexes, modes de vie, etc. - et les mettre en relation avec les ressources disponibles et, surtout, avec la façon dont les pays en développement entendent sortir de la pauvreté. Car le milliard d'humains riches doivent apprendre à consommer autrement. Imaginez ce qui se passerait si les deux milliards de Chinois et d'Indiens (qui seraient trois dans cinquante ans) se mettaient à manger comme des Européens ou des Américains. La bonne démarche, c'est de prendre en compte tous les facteurs, comme le fait le programme d'action de la Conférence du Caire sur la population et le développement (1994) lorsqu'il affirme que "les efforts déployés pour freiner l'accroissement de la population, réduire la pauvreté, faire progresser l'économie américaine, améliorer la protection de l'environnement et restreindre les modes de consommation et de production non viables se renforcent mutuellement" . D'où l'intérêt qu'au niveau mondial, une organisation comme le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) mette en relation toutes ces questions. Mais aussi, si je puis me permettre, l'intérêt qu'en France et dans toute la francophonie, auprès des décideurs comme sur le terrain, une association comme Equilibres et Populations popularise cette façon globale d'aborder le développement et l'aide au développement ».
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