Des processus de fabrication hautement techniques

Publié le 05/02/2015
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La fabrication de protéines telles que celles obtenues par recombinaison génétique – dont l’insuline humaine et ses analogues – est un processus hautement complexe.

Dans un premier temps, il exige d’isoler le gène, de l’attacher à un vecteur, puis de l’insérer dans une cellule hôte, habituellement E. Coli (ou une levure autre). Ces cellules hôtes sont ensuite analysées et sélectionnées afin d’établir une banque de cellules. Elles sont alors cultivées et mises en fermentation pour produire le produit recombinant, qui est extrait des cellules, isolé, purifié, et traité pour obtenir sa forme tridimensionnelle exacte. Suit un processus de clivage enzymatique, afin d’obtenir l’insuline biologiquement active détachée du C-peptide. Puis c’est au tour des processus de purification et de concentration (absorption et passage sur des colonnes de chromatographie), et enfin une cristallisation et une lyophilisation. Sont alors adjointes des substances ayant pour but de prévenir l’agrégation des protéines et la croissance bactérienne ou divers changements de l’absorption avant la mise en cartouches ou flacon.

La conséquence clinique la plus importante d’une variabilité dans la fabrication est que le moindre changement dans l’une des étapes peut avoir des conséquences imprévues, comme en témoignent certains précédents.

Des précédents

• L’exemple de l’EPO

La plupart des produits biopharmaceutiques induisent une réponse immunitaire. Elle est souvent sans conséquence clinique, ainsi de nombreux patients recevant de l’insuline humaine recombinante développent des anticorps sans effet indésirable. Cependant, elle peut réduire l’efficacité du produit ou, plus rarement, produire des effets immunitaires systémiques, depuis des réactions allergiques locales, jusqu’à des maladies sériques, une anaphylaxie et d’autres accidents plus graves voire mortels comme des érythroblastopénies, qui ont été rapportées avec certaines formulations de l’érythropoïétine alpha. En somme, dans le passé récent, il a été prouvé qu’un changement apparemment mineur dans la formulation d’Eprex a été responsable d’événements indésirables graves.

• L’affaire Marvel

Une autre preuve que les biosimilaires ne devraient pas être considérés simplement comme de simples génériques a été illustrée par l’expérience des insulines Marvel. En 2007, le groupe MJ (Bombay, Inde) a soumis à l’agence européenne pour l’evaluation desmédicaments (EMEA) un dossier d’enregistrement pour trois insulines, une rapide, une NPH Isophane et une Premix 30/70. L’agence européenne, au travers du comité européen des médicaments à usage humain (CHMP), a d’abord émis de sérieuses réserves dues au peu d’informations concernant tous les processus d’obtention de ces insulines recombinantes, l’origine de la protamine, la stabilité des produits, etc. De plus, la faiblesse des études de pharmacodynamie a été pointée, et les études de PK/PD initialement satisfaisantes ont été infirmées.

En somme, les formulations d’insuline Marvel étaient physico-chimiquement similaires, mais avec les PK/PD et les propriétés cliniques différaient sensiblement des comparateurs, quoique certaines données cliniques (DT1 et DT2) aient pu paraître satisfaisantes. Finalement, le système de pharmacovigilance et le plan de gestion des risques présenté dans ce dossier n’ont pas été considérés comme satisfaisants eu égard les exigences de l’EMEA et le dossier retiré en 2008.

Pr Serge Halimi

Source : Bilan spécialistes