I L est des plaisirs que les ministres ne sauraient se refuser. Et l'on comprend qu'Elisabeth Guigou aligne, avec gourmandise, les excédents du régime général de Sécurité sociale : 0,7 milliard en 1999 ; 5,2 milliards en 2000 ; 7,9 milliards en 2001.
Ces chiffres - outre qu'ils auraient pu être plus élevés encore sans les ponctions opérées pour financer les 35 heures et sans la dérive des dépenses d'assurance-maladie - doivent être analysés avec la plus extrême circonspection. Les prévisions ont en effet été établies en fonction d'hypothèses macroéconomiques dépassées, sinon irréalistes. Ce n'est pas l'opposition qui le dit, mais le secrétaire général de la commission des Comptes de la Sécurité sociale lui même. « On ne peut ignorer, écrit-il, que les hypothèses de croissance économique sur lesquelles reposent nos comptes ont été fixées en mars et sont appelées à être revues à la baisse. Certes les niveaux atteints en début d'année garantissent une progression de la masse salariale, encore assez élevée en 2001. Cependant, on ne pourra plus compter sur la bonne surprise de recettes régulièrement supérieures aux prévisions. Cette situation caractéristique des périodes de haute conjoncture est vraisemblablement révolue. »
De fait, les estimations de la commission des Comptes sont fondées sur une hypothèse de croissance de 2,7 à 3,1 %, cette année, alors qu'elle se situera plus vraisemblablement autour de 2,5 %, en supposant que les turbulences que traverse l'économie ne s'accentuent pas. De même, l'hypothèse d'une évolution de la masse salariale de 5,4 % peut paraître optimiste.
Le ralentissement de l'économie - et donc des recettes de la Sécurité sociale - est d'autant plus inquiétant que les dépenses de l'assurance-maladie continuent, elles, à évoluer à un rythme difficile à prévoir avec précision mais, en tout état de cause, supérieur aux prévisions. L'objectif national des dépenses d'assurance-maladie, fixé à 693,3 milliards pour cette année, serait déjà dépassé de 9 milliards. Bref, le régime général risque fort d'être victime d'un classique effet de ciseaux : ralentissement relatif des rentrées de recettes et accroissement des dépenses. Un effet aux conséquences d'autant plus dangereuses que la nécessité de financer les 35 heures à l'hôpital (dont le coût est évalué à dix milliards par an) risque - pour ne citer que cette mesure - de grever les budgets sociaux. Tout indique cependant que, face à cette situation, Lionel Jospin, à un an des élections présidentielle et législatives, n'entend pas aller au devant de déconvenues en arrêtant des mesures par trop impopulaires. Quitte à devoir dans douze mois, si les urnes lui portent fortune, désamorcer lui-même, dans l'urgence, la bombe des finances sociales qu'il n'aura pas voulu désactiver auparavant. Car, comme le dit, avec un beau sens de l'euphémisme, François Monier, le nouveau contexte économique va « rendre la gestion du régime général plus difficile ».
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