En appuyant sur des embryons de mouche, des chercheurs français (CNRS, institut Curie, Paris) ont découvert que le vivant est mécano-sensible : de simples pressions mécaniques délivrées à la surface des embryons entraînent d'importantes modifications de l'expression des gènes du développement. Cette découverte apporte non seulement de précieuses informations quant aux mécanismes qui régulent le développement embryonnaire, mais elle ouvre aussi de nombreux champs de recherche : un éventuel effet des contraintes mécaniques imposées aux tissus adultes dans des conditions normales ou pathologiques reste à mettre en évidence.
Si de nombreux gènes impliqués dans le développement embryonnaire ont déjà été identifiés et caractérisés, la nature des signaux permettant la régulation spatio-temporelle de leur expression n'est pas entièrement connue. Partant du fait que l'embryon change de forme à tous les stades de son développement, Emmanuel Farge et ses collaborateurs (UMR 168 CNRS/institut Curie) ont eu l'intuition que les contraintes mécaniques imposées par ces modifications structurales successives pouvaient jouer un rôle dans la régulation de l'expression des gènes du développement.
Des embryons de drosophile
Les chercheurs ont choisi de tester leur hypothèse en utilisant des embryons de drosophile, un modèle de choix pour l'étude de la génétique du développement. Ils ont mis au point un système permettant d'exercer des pressions mécaniques sur les embryons de mouche et l'ont utilisé pour rechercher l'effet de ce type de contrainte sur l'expression d'un gène du développement, le gène Twist. Ce gène est indispensable au développement embryonnaire. La formation du mésoderme, des organes internes et des muscles dépendent du bon fonctionnement du gène Twist. Si ce gène est inactivé, ses structures sont absentes et les embryons résultants sont tordus ( « to twist », tordre).
Blocage du développement
Normalement, Twist n'est exprimé que dans les cellules localisées dans la partie ventrale de l'embryon. Mais lorsqu'Emmanuel Farge et ses collaborateurs ont appliqué une pression sur leurs embryons ils ont constaté qu'il s'exprimait alors dans toutes les cellules de l'embryon. Bien qu'elle soit transitoire, cette activation anormale de l'expression de Twist a des conséquences catastrophiques : elle conduit au blocage du développement de l'embryon. La modification de l'expression de Twist est, en outre, accompagnée d'une délocalisation d'une protéine d'ancrage, la bêta-caténine qui n'assure donc plus la cohésion entre les cellules.
D'après les chercheurs, au cours du développement normal, la formation d'un des feuillets intermédiaires, le mésoderme, créerait une pression sur la région antérieure de l'embryon qui entraînerait l'expression de Twist.
Emmanuel Farge et ses collaborateurs aimeraient continuer ces travaux afin de savoir si leurs observations sont transposables à l'homme et aux tissus adultes. Si tel est le cas, il est possible d'imaginer que la croissance d'une masse tumorale, en imposant des contraintes mécaniques sur les tissus qui les entourent, modifie l'expression de certains gènes dans les cellules tumorales et les tissus sains adjacents.
E. Farge, « Current Biology », vol. 13, pp. 1365-1377.
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