UNE VILLE de 4 000 habitants, au XIIIe ou XIVe siècle. De cinq à huit praticiens y exercent, les uns chez eux, les autres itinérants, tous en principe titulaires d'un doctorat obtenu à l'université. La consultation débute par un entretien au cours duquel le patient décline son identité, sa profession, son âge. C'est ensuite, selon l'exposition « La santé au Moyen Âge », présentée à la tour Jean-sans-Peur, que les pratiques diffèrent de celles d'aujourd'hui.
Pour son diagnostic, le praticien prend en compte la couleur de l'urine – plus de vingt nuances, indiquant la nature chaude ou froide de la maladie –, l'aspect du sang, des selles et éventuellement des crachats. Pour soigner, il dispose d'un arsenal qui va des pansements aux sangsues en passant par les clystères ou les suppositoires végétaux, ou encore les animaux (chiens, souris, chauves-souris…), vivants ou morts, pour capter la maladie par transfert en étant placés sur les parties touchées. On traite l'épilepsie avec de la viande d'autruche, la gale avec du mercure, les enflures avec des excréments de brebis, les fièvres avec des pilules de sucre cuit avec du vinaigre, les vomissements avec de la noix de muscade…
La bonne santé est définie par l'équilibre entre quatre qualités (chaud, froid, sec et humide), dont les combinaisons donnent naissance aux humeurs (sang, flegme, bile et mélancolie), la maladie étant considérée comme le déséquilibre entre ces dernières. La théorie des humeurs veut qu'on guérisse un maux par son contraire. Par exemple, le chanvre, réputé chaud et sec, soigne des maux de nature froide. On utilise aussi le principe des « signatures », concept qui sera développé au XVIe siècle : la partie malade est soignée par la plante, la pierre ou l'animal de forme ou de couleur comparables (les noyaux de cerise contre la gravelle, les fleurs jaunes contre la jaunisse).
Une forme d'anesthésie.
Pour supprimer les excès d'humeurs, on recourt aussi à la chirurgie, et pas seulement à la célèbre saignée. Le malade fortuné peut être endormi à l'aide d'une éponge gorgée d'anesthésiques à base d'opium, de mandragore, de jusquiame ou de ciguë ; mais le risque de surdose mortelle fait hésiter certains praticiens. L'opération a lieu sur une table ou sur un banc muni de sangles et d'anneaux qui maintiennent le malade ; le temps est décompté en prières (il faut un « miserere » pour la cataracte). La douleur postopératoire n'est pas négligée, combattue avec un emplâtre, à base d'ivraie mêlée à de l'encens et du safran si le médecin est riche, de guimauve ou de fenugrec s'il est pauvre.
L'exposition fait revivre ces pratiques médicales, parfois proches des pratiques actuelles, à travers une centaine de documents, organisés en six grands thèmes : les principes de santé, les pratiques médicales, la santé publique, les maladies, l'arsenal des médecins et la chirurgie. Le 15 octobre, une conférence-débat, « Médecine médiévale et médecine actuelle : les progrès scientifiques ont-ils effacé l'hôpital du Moyen Âge ? », réunira Danièle Alexandre-Bidon, historienne, commissaire de l'exposition, et Marie-Christine Pouchelle, anthropologue.
20, rue Étienne-Marcel, Paris 2e, du mercredi au dimanche, jusqu'au 9 novembre, tél. 01.40.26.20.28, www.tourjeansanspeur.com.
Jean sans Peur et sa tour

En 1407, Jean sans Peur, duc de Bourgogne, fait assassiner son cousin Louis d'Orléans, frère du roi Charles VI. Ce meurtre déclenche une terrible guerre civile entre les Armagnacs, partisans de la famille d'Orléans, et les Bourguignons, alliés au duc Jean. En 1409, Jean sans Peur, qui a pris le pouvoir, entreprend l'embellissement de son hôtel parisien et fait construire de nouveaux corps de bâtiment, dont une haute tour (27 m) d'escalier, celle qui va porter son nom. Plus tard, chassé par le futur Charles VII, il s'alliera avec les Anglais et sera assassiné en 1419 par des hommes de main des Armagnacs.
Outre l'exposition temporaire, la tour, qui a retrouvé une partie du mobilier et des vitraux d'époque, présente une exposition permanente sur l'histoire, l'architecture et la vie quotidienne au début du XVe siècle.
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