« Entre les murs », de Laurent Cantet

Des portes de sortie

Publié le 23/09/2008
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LAURENT CANTET souhaitait depuis un moment tourner un film sur la vie d'un collège, en montrant l'école «comme une caisse de résonance, un lieu traversé par les turbulences du monde, un microcosme où se jouent très concrètement les questions d'égalité ou d'inégalité des chances, de travail et de pouvoir, d'intégration culturelle et sociale, d'exclusion». La rencontre avec François Bégaudeau, qui venait de publier « Entre les murs » (Gallimard), inspiré de son expérience de professeur, lui en a donné l'occasion. D'autant que, «pour une fois, un prof n'écrivait pas pour régler ses comptes avec des adolescents présentés comme des sauvages ou des abrutis».

Comment en faire un film ? Laurent Cantet et son co-scénariste Robin Campillo ont repris les situations évoquées dans le livre pour créer des « personnages », parfois condensés de plusieurs élèves. Et si les noms sont fictifs, ce sont, outre Bégaudeau lui-même, d'authentiques profs et élèves du collège Françoise-Dolto, à Paris, dans le 20e arrondissement, qui en sont les interprètes, ainsi que les parents d'élèves, à l'exception d'un cas. Le film ayant «mûri», comme dit le réalisateur, au cours d'ateliers d'improvisation hebdomadaires, pendant toute une année.

« Entre les murs » raconte une année scolaire dans le cours de français d'une classe de 4e. Dès le début, on s'attache à ces adolescents pas forcément difficiles, aux histoires et aux personnalités bien différentes. Et même quand le ton monte, on ne se dit pas qu'on est en train d'assister à un combat dans lequel il faudrait prendre partie pour le prof contre les élèves ou inversement.

Un certain optimisme.

Pour éviter justement de mettre la caméra en position d'arbitre, Cantet a utilisé trois appareils : une caméra sur le prof, une deuxième sur l'élève qui devait porter la scène et une troisième pour les digressions, une marge étant laissée à l'improvisation. Un montage serré fait le reste. On est aussi impressionné par la vitalité et l'intelligence des compositions des jeunes acteurs, dont les personnages sont parfois opposés à ce qu'ils sont dans la vie. Si le film évoque bien, ainsi que le souhaite le réalisateur, les turbulences et les inégalités de la société française que reflète l'école, il est aussi source d'optimisme : tout n'est pas joué à 15 ans et ces jeunes ont des ressources souvent insoupçonnées. Cantet et Bégaudeau (acteur efficace, comme tous les bons profs) préfèrent parler d'utopie en fonctionnement, qui montre ce que l'école peut être, même si, «à la fin, la machine à trier fait son boulot».

« Ressources humaines », « Vers le Sud », les films de Laurent Cantet parlent de la réalité humaine qui naît de la réalité sociale. Ce cinquième long- métrage confirme son talent de cinéaste complet qui porte sur le monde qui l'entoure un regard lucide mais non désespéré.

Durée : 2 h 08.

> RENÉE CARTON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8425