TROIS études publiées de manière simultanée sont unanimes. Certains polymorphismes affectant une région du bras long du chromosome 15 augmentent de manière significative le risque de cancer pulmonaire. Cependant, lorsqu'il s'agit d'expliquer les mécanismes par lesquels les variations génétiques identifiées agissent sur la susceptibilité au cancer, les choses se compliquent et les conclusions des trois équipes diffèrent.
Selon deux d'entre elles, l'effet de ces polymorphismes est direct et concerne tous les patients. Selon la troisième, cet effet n'est observé que chez les fumeurs ou chez les anciens fumeurs car il serait indirect, provoqué par le tabagisme. Seules des études complémentaires, impliquant un grand nombre de patients fumeurs et de patients qui n'ont jamais fumé permettront de trancher la question.
Les trois études se fondent sur la même approche. Les chercheurs ont séquencé plusieurs centaines de milliers de positions du génome chez des milliers de patients atteints d'un cancer du poumon et chez plusieurs milliers de témoins sains. L'impressionnante masse de données ainsi obtenues a ensuite été analysée, à la recherche de variations génétiques significativement plus fréquentes chez les malades.
Les trois équipes sont alors arrivées à la même conclusion. La région 15q24/15q25.1 du génome humain contient des locus dont la séquence peut être associée de manière significative au risque de cancer pulmonaire. Selon l'étude conduite par Paul Brennan, responsable du groupe d'épidémiologie génétique de l'Agence internationale de recherche sur le cancer (Lyon), et par Mark Lathop, directeur scientifique de la fondation Jean-Dausset – Centre d'études du polymorphisme humain – (Paris)*, les sujets porteurs hétérozygotes de certains polymorphismes voient leur risque de cancer pulmonaire augmenter de 30 %. Chez les porteurs homozygotes, le risque s'élève de 80 % par rapport aux non-porteurs.
L'activation par la nicotine.
Ces polymorphismes sont localisés à proximité de gènes codant pour des sous-unités des récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine. Les chercheurs des différentes équipes ont donc imaginé que les variations génétiques associées à l'augmentation du risque de cancer pouvaient conduire à la synthèse de récepteurs dont l'activation par la nicotine ou par d'autres substances affines pour ces récepteurs augmente le risque de transformation tumorale. Seulement, si cette hypothèse est juste, elle implique que l'effet délétère des polymorphismes devrait essentiellement se manifester chez les fumeurs. Une seule des trois études conclut dans ce sens. Dans les deux autres, il apparaît que l'augmentation du risque de cancer pulmonaire associée aux polymorphismes de la région 15q24/15q25.1 est aussi bien retrouvée chez les fumeurs ou les anciens fumeurs que chez les patients qui n'ont jamais fumé.
Hung R et coll., Thorgeirsson T et coll. « Nature » du 3 avril 2008, pp. 633-637 et 638-641, Amos C et coll. « Nature Genetics » édition en ligne avancée.
* En collaboration avec le Centre national de génotypage (CEA, Evry) et avec des équipes de 19 pays.
A quoi ça sert ?
Dans un éditorial accompagnant les deux études publiées dans « Nature », Stephen Chanock (NIH) et David Hunter (Harvard) s'interrogent sur l'intérêt clinique des études visant à identifier des polymorphismes de susceptibilité aux maladies. «Des sociétés (américaines) proposent déjà aux particuliers des tests génétiques visant à évaluer leur risque de développer diverses maladies en utilisant des polymorphismes identifiés par ces nouvelles études. L'idée est que, en déterminant le risque de développer telles ou telles pathologie chez les gens, on va les encourager à modifier leur mode de vie et/ou à se faire dépister», expliquent les deux chercheurs. Mais, dans le cas de la prédisposition au cancer du poumon, cette stratégie n'est pas forcément pertinente : un fumeur à qui on annonce qu'il n'est pas porteur de ces facteurs génétiques de susceptibilité va peut-être choisir de continuer à fumer. « Une telle médecine personnalisée pourrait affaiblir le message de santé publique prônant l'arrêt du tabac pour tous », s'inquiètent Chanok et Hunter.
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