JUSQU'A MAINTENANT, l'incidence du mélanome croissait inexorablement, avec un taux doublé tous les dix ans. Des analyses récentes ont cependant révélé que, pour la première fois, une stabilisation avait été enregistrée en Australie, dans la population féminine, voire même une ébauche de diminution des taux chez les sujets jeunes. Aux Etats-Unis, au Canada et en Europe du Nord, l'incidence du mélanome semble également ne plus augmenter aussi vite qu'auparavant ; des « frémissements » similaires ont de même été constatés en Europe de l'Ouest. En revanche, aucune modification épidémiologique n'a été observée en Europe de l'Est et du Sud. Ces données pourraient ainsi refléter l'impact positif des campagnes de prévention, notamment en Australie où des fonds colossaux ont été engloutis dans ce type de stratégie.
Des tendances similaires ont été notées concernant l'évolution de la mortalité par mélanome, témoin de la qualité du dépistage, avec un début de stabilisation en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Ecosse et également, mais uniquement dans la population féminine, aux Etats-Unis, en Europe du Nord et en Allemagne, et, là encore une amélioration supérieure chez les plus jeunes. L'accroissement de la mortalité est néanmoins toujours présent en Europe de l'Ouest et, notamment en France, mais moindre que celui de l'incidence.
Plusieurs papiers récents confirment que le bénéfice potentiel pourrait en fait provenir d'une technique beaucoup plus ancienne. En effet, il semble que la surveillance photographique de l'ensemble du tégument des individus à risque assurerait une optimisation du dépistage, en limitant le nombre de consultations inutiles. L'équipe de J.-J. Grob a également étudié l'intérêt didactique des photographies dans l'éducation de la population générale qui semble nettement meilleur que les traditionnels critères utilisés pour différencier les nævus des mélanomes.
Après de notables progrès dans les années précédentes, avec la mise en évidence des quelques gènes impliqués dans les rares formes familiales, aucune découverte majeure n'est venue modifier notre conception de la maladie. Aucun nouveau marqueur biologique récent n'est apparu pour l'instant comme suffisamment performant pour révolutionner l'approche diagnostique ou pronostique. Desprogrès pourraient venir de la génomique (biopuces) qui fait couler beaucoup d'encre avec l'espoir de repérer certains éléments à signification pronostique et de pouvoir identifier des traitements ciblés.
La prise en charge thérapeutique est toujours centrée sur la chirurgie. Des publications récentes ont confirmé, à cet égard, que l'importance des marges d'exérèse n'avait pas d'effet sur la survie. Il a seulement été confirmé que les petites marges augmentaient le risque de récidive locorégionale, en cas de tumeur de plus de 2 mm. Néanmoins, dans le mélanome de Dubreuil, caractérisé par des limites imprécises, ces marges doivent être plus larges que ne le justifierait l'épaisseur de la tumeur. La technique du ganglion sentinelle reste toujours pratiquée, bien que, jusqu'à maintenant, aucun travail n'ait pu montrer qu'un curage ganglionnaire précoce ne modifie le pronostic, ni que le résultat du ganglion sentinelle doive influer sur l'attitude thérapeutique.
@Normal:
L'interféron en traitement prolongé.
L'absence d'effet significatif de l'administration de faibles doses d'interféron a été confirmé sous réserve que les populations étudiées étaient très hétérogènes (indice de Breslow élevé, fort pourcentage de patients en récidive locorégionale). Après des résultats peu encourageants, mais pas encore publiés, des essais de l'EORTC, un essai de l'Eado (European Academy of Dermato-Oncology) a commencé cette année, évaluant l'intérêt d'un traitement prolongé (trois ans) par interféron pégylé. Les résultats définitifs d'une étude sur l'administration combinée de dacarbazine et d'une molécule antisens anti-BCl2 sont également attendus. Même si le bénéfice thérapeutique n'est peut-être pas en pratique très supérieur à celui de la chimiothérapie seule, il s'agit-là de la première molécule ciblée ayant un impact clinique sur le mélanome métastatique et cela mérite d'être souligné.
Les différentes combinaisons comprenant du témozolomide n'ont en revanche pas montré de supériorité par rapport à l'emploi de cet alkylant seul. L'association fotémustine-radiothérapie pancérébrale n'a pas non plus montré d'amélioration de la survie supplémentaire par rapport à la monochimiothérapie, bien que cette stratégie retarde apparemment l'apparition des récidives. Deux études, récemment publiées, concernant les effets respectifs du tamoxifène et l'acétate de mégestrol, ont par ailleurs confirmé l'inefficacité de l'hormonothérapie. Hors de l'interféron, l'immunothérapie sous toutes ses formes, bien que toujours séduisante, n'a pas encore témoigné d'une réelle efficacité clinique d'autant que les populations étudiées, sont, pour l'instant, très sélectionnées. De nombreux essais sont en cours. On signalera dans ce domaine, l'utilisation de l'imiquimod qui, a montré dans des indications très spécifiques comme le mélanome de Dubreuil et les métastases cutanées de mélanome, des taux de réponse élevés. Cette molécules ou ses dérivées pourraient constituer de bonnes pistes de recherche.
*hôpital Sainte-Marguerite, Marseille, vice-président de l'EADO.
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