D ANS son état des lieux de la démographie médicale, le premier constat dressé par la direction générale de la Santé (DGS) est l'insuffisance de données actuellement disponibles dans de nombreux domaines. A commencer par le nombre de médecins en fonction dont l'estimation est imprécise à plus ou moins 5 000 médecins. « Au-delà des prises de position alarmistes et souvent prématurées, ce dont l'action publique a le plus besoin dans l'immédiat, c'est d'un dispositif d'observation et d'analyse », constate donc la DGS.
Le rapport remis à Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner tente néanmoins de faire la synthèse des études existantes. Principalement, pour relativiser les perspectives les plus sombres annoncées dans ce domaine. Car c'est moins le nombre total de médecins qui est en cause que sa répartition géographique, par spécialité et par secteur d'exercice.
En effet, la densité médicale globale actuelle est la plus élevé jamais atteinte, note la DGS. Elle est passée de 130 pour 100 000 habitants en 1970 à 331 en 2000. Une forte croissance démographique qui s'est accompagnée d'une forte augmentation de la part des spécialistes, passée de 43 % du corps médical en 1984 à 51 % en 2000, soit 40 000 médecins spécialistes de plus en quinze ans.
Des chiffres qui masquent pourtant des situations très contrastées selon les spécialités et les zones géographiques. Depuis 1990, les effectifs ont augmenté dans 33 des 38 spécialités, notamment en radiodiagnostic et en biologie médicale. Cinq spécialités ont accusé au contraire une forte décroissance, notamment la chirurgie générale, mais également l'anesthésiologie-réanimation, la gynécologie médicale, la radiothérapie et la stomatologie.
Déjà des difficultés dans quelques spécialités
Par ailleurs, la conjonction d'une mauvaise répartition géographique et entre secteurs d'exercice conduit, pour certaines spécialités, à des difficultés ponctuelles d'accès aux soins. Le rapport cite l'exemple de la radiologie et de la psychiatrie où, en dépit d'une densité globale élevée, les vacances de poste sont nombreuses en secteur hospitalier. « Le diagnostic de "pénurie" ou de "situation satisfaisante" pour une spécialité peut rarement être posé et l'on doit se garder d'un diagnostic global à l'emporte-pièce », précise la DGS.
Enfin, si des disparités géographiques importantes sont constatées, elles doivent être analysées, selon la DGS, plus à l'échelle départementale que régionale. Certes, les inégalités régionales existent dans la mesure où la densité médicale varie de 241 médecins pour 100 000 habitants en Picardie à 425 pour 100 000 habitants en Ile-de-France, avec une nette séparation entre les régions du sud de la France, aux fortes densités médicales, et les régions du nord qui restent faiblement dotées (voir la carte ci-contre). Mais, si on élimine les cas extrêmes, « la distribution paraît plus homogène, avec une moyenne de 302 pour 100 000 habitants autour de laquelle se retrouvent de nombreuses régions », poursuit la DGS. En revanche, d'importantes disparités départementales existent au sein des régions qui sont plus marquées pour les médecins généralistes libéraux que pour les spécialistes. En Ile-de-France, par exemple, il faut différencier Paris qui est hors normes avec 768 médecins pour 100 000 habitants, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne où les densités sont fortes avec respectivement 419 et 331 et les autres départements tels que les Yvelines (277), la Seine-Saint-Denis (274) l'Essonne (250) et surtout la Seine-et-Marne qui, avec 214 médecins pour 100 000 habitants est l'un des départements les moins pourvus.
Spécialistes : baisse des effectifs dès 2005
Ce sont principalement ces disparités qui risquent de s'accentuer dans les années à venir si rien n'est fait pour les corriger. Car les projections démographiques pour les vingt ans à venir font état d'une forte diminution (entre 15 % et 20 %) des effectifs globaux. Une diminution qui atteindra 25 % chez les spécialistes et 9 % chez les généralistes. Dès 2010, une diminution de plus de 10 % des effectifs s'opérera dans certaines spécialités comme la psychiatrie (12 %), la gynécologie médicale (19 %), l'ophtalmologie (11 %), l'ORL (10 %) et la médecine interne (14 %).
La densité médicale commencera à diminuer en 2008. Pour les généralistes, la diminution ne sera pas significative avant 2014 mais pour les spécialistes elle s'amorcera dès 2005. « Le délai d'action des leviers démographiques est à lui seul une incitation à agir maintenant », estime cependant la DGS. D'autant que, dès 2005, un solde net négatif peut occasionner, selon elle, « la multiplication des zones en difficulté pour les généralistes et des problèmes localisés dans certaines spécialités ».
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