C’est une précaution oratoire qui a failli passer inaperçue. Lors d’un colloque organisé par le ministère de la Santé en avril dernier sur la mise en place des directoires dans les établissements de santé, Annie Podeur, directrice de la DGOS, a glissé à l’assistance ce conseil : « Prenez bien soin à gérer le passage entre le conseil exécutif et le directoire. » Que fallait-il entendre par là ? Calmer les directeurs d’hôpital autre que le chef d’établissement, qui se sentent floués et écartés de la direction de l’hôpital. Car, avant que le directoire ne soit érigé, les membres de l’équipe de direction, nommés par le directeur, siégeaient à parité avec les membres de la CME au sein du conseil exécutif. Cette parité n’est plus qu’un lointain souvenir, puisque le directoire, tel que l’institue la loi HPST, sera à majorité médicale.
Inquiétude
Silencieusement, dans les coulisses, les directeurs financiers, RH, etc. ruent dans les brancards. Cette « élimination » programmée d’une partie des cadres dirigeants au sein de l’exécutif n’a pas l’heur d’inquiéter outre mesure Philippe Blua, président du SNCH : « Il ne faut pas avoir peur des médecins, nous travaillons avec eux. Pour exemple, dans le conseil exécutif de mon hôpital, j’ai une majorité de médecins. J’ai par exemple nommé le Dim (docteur en charge de l’information médicale) sur le contingent des postes administratifs. Nous sommes là pour travailler ensemble. Mais vous avez raison, il y a des craintes au niveau des cadres et des adjoints. C’est un débat que nous avons déjà eu lors de la mise en place du conseil exécutif. Il faut bien sûr que l’équipe de direction soit au courant de ce qui se passe dans le directoire, tout comme les chefs de pôle d’ailleurs. » Comme pour faire passer la pilule, les syndicats de directeurs et cadres hospitaliers ont entamé des négociations sur la revalorisation du statut de directeurs. En fait, il s’agit d’une promesse faite par Roselyne Bachelot en novembre 2009, lors d’un congrès du SNCH. La ministre de la Santé s’était engagée à ouvrir des négociations dès le 20 novembre 2009 sur trois points : « La rénovation du statut DH ; l’amélioration de leur déroulement de carrière ; la réévaluation du régime indemnitaire. » Et ce pour récompenser les directeurs d’hôpital qui, à l’issue de l’entrée en vigueur de la loi HPST, ont vu leurs responsabilités décupler. Au-delà des directeurs d’hôpital, la négociation concerne également les D3S* et les directeurs de soins.
Enterrement des négociations
Censée être bouclé en cinq mois, la négociation sur la revalorisation des statuts n’a toujours pas abouti. À tel point que, en mars dernier, le SNCH, à l’origine de l’ouverture des négociations, dénonçait « des heures de palabres décalés des réalités […] un enterrement des négociations au profit d’un débat truqué visant à argumenter une fusion DH-D3S. » Le 2 juin dernier, les syndicats étaient conviés à une nouvelle réunion de travail. Alors que, quelques semaines plus tôt, les syndicalistes pestaient contre le retard pris dans les négos, ils semblaient, à l’issue de cette réunion, ne plus avoir tant envie que cela de finaliser un accord… « Nous en sommes aux discussions », prévient Philippe Blua, du SNCH. « Il est encore trop tôt pour se prononcer », lui répond Michel Rosenblatt, du Syncass-CFDT. C’est que ces négociations augurent de menaces pour la profession. D’entrée de jeu, dès les premières réunions, Annie Podeur avait prévenu qu’aucune enveloppe ne serait affectée à la revalorisation des statuts. Michel Rosenblatt en a rapidement tiré une sombre conclusion : « La revalorisation devrait se faire à budget constant, ce qui implique à terme une suppression de 1 500 postes de directeurs d’hôpital. » Autre inquiétude : la revalorisation des statuts des DH serait effective, uniquement, au travers d’une prime de fonction et de résultat (PFR). Déjà appliquée dans la fonction publique d’état (FPE), cette prime serait adaptée à la fonction publique hospitalière. Mais les syndicats semblent freiner des quatre fers : « Nous nous demandons notamment si nous allons adopter la prime de fonctions et de résultats (PFR). Cette PFR n’est pas forcément adaptée à l’hôpital… Il faudra certainement lui faire subir un remodelage », pense Michel Blua. « La réforme de la prime de fonction devrait se faire en fonction des résultats, mais il existe déjà une prime sur objectif, ajoute Michel Rosenblatt. Et, à la différence de l’État, nos corps ont des gardes de direction et un logement de fonction. Si on nous supprime ces avantages, mieux vaut ne pas toucher à nos statuts. » Au-delà de la protection des acquis, Michel Rosenblatt se méfie également des montants avancés par les pouvoirs publics : « Et il y a des plafonds : par exemple pour un administrateur civil, les parts fonction et résultat plafonnent à 55 000 euros. Mais pratiquement personne ne touche ces 55 000 euros, car il faut avoir atteint l’ensemble de ces objectifs qui très souvent sont très ambitieux. » Si elle est adoptée, cette PFR serait mise en application dès janvier 2011 pour les DH et les D3S. Autre détail, qui semble chiffonner les syndicalistes : le pourcentage de part variable dans la rémunération globale des DH. Sans avancer de chiffres, la part variable serait « conséquente »… De quoi, encore une fois, user de prudence… Enfin, de nombreux sujets ayant trait à la revalorisation des statuts méritent d’être abordés, selon les syndicats, et sur lesquels les pouvoirs publics ne se sont pas encore prononcés : « Il doit aussi y avoir plus de postes fonctionnels : ce sont des postes provisoires, avec surcroît de rémunération. Nous aimerions aussi discuter de mesures qui favorisent la mobilité. En théorie, la mobilité est promue mais dans la réalité elle est freinée : il y a par exemple une mauvaise prise en compte des frais générés par la mobilité. On aimerait aussi discuter du tour extérieur : ne peut-on pas l’ouvrir pour des adjoints recrutés en contractuel ? » Le corps des DH entame un virage périlleux, à l’issue duquel la profession risque de sortir… fragilisée et précarisée.
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