Plusieurs dizaines de patients para- et tétraplégiques ont manifesté devant le ministère de la Santé pour réclamer l'autorisation de bénéficier d'une nouvelle thérapeutique, le Neurogel. Ce biomatériau a été mis au point au Canada par le Dr Stéphane Woerly, médecin diplômé de l'université Louis-Pasteur (Strasbourg, France), qui a poursuivi son cursus à l'université Laval (Québec, Canada), avant de créer sa propre société de R&D biomédicale en 1995. Son objectif : valider et commercialiser le produit qui, une fois greffé au niveau d'une lésion médullaire, servirait de matrice et de guide pour faciliter la croissance des fibres nerveuses et favoriser leur reconnexion. Les essais précliniques auraient prouvé son efficacité et sa biocompatibilité chez le rat. Un dossier a été déposé auprès de la commission des dispositifs médicaux de l'AFSSAPS en septembre 2003.
Depuis près de deux ans, l'association Neurogel en marche, qui regroupe des patients et leur famille, se bat pour que des essais cliniques aient lieu. La manifestation du 15 octobre fait suite à une série d'actions. En juillet 2003, dans une lettre adressée au président de la République, quatre de ses membres se déclarent « volontaires » pour subir une intervention et demandent qu'une dérogation soit accordée à une clinique chirurgicale qui accepte de leur prêter gracieusement ses locaux. « Nous avons décidé de dépasser les polémiques et les contraintes qui ont entouré le Neurogel, écrivent-ils , nous voulons exercer notre droit de malade et notre droit de disposer de nos vies. »« Nous avons réussi à faire venir des lots de produit du Canada, la clinique chirurgicale du Pré, au Mans (Sarthe), est d'accord pour mettre gracieusement ses locaux à notre disposition, le Dr Mario Alonzo Vanegas (Mexique) a accepté d'y pratiquer l'intervention, enfin, les protocoles opératoires et de physiothérapie sont prêts », explique Pierre Rondio, vice-président de l'association.
Quelles que soient les conséquences
Dans un premier temps, l'intervention serait réalisée chez les trois patients adultes, le quatrième est un enfant. « Ils ont entre 32 et 36 ans, deux sont paraplégiques, le troisième, tétraplégique depuis au moins 1996. Deux d'entre eux ont déjà fait une tentative de suicide. Le traitement est leur seul espoir », affirme encore Pierre Rondio, qui regrette que la détresse des para- et tétraplégiques soit souvent sous-estimée. « Beaucoup se laissent mourir », ajoute-t-il.
Dans une lettre adressée au ministre de la Santé, Marie-Sophie Desaulle, présidente de l'Association des paralysés de France, résume la situation en ces termes : « Quelles que soient les considérations médicales ou scientifiques sur cette technique, la question première posée est celle du droit au risque éclairé sur son propre corps, motivé par une situation physique d'une singularité et d'une gravité incontestables. »
La question éthique est posée. Les patients volontaires déclarent vouloir « accéder au Neurogel, que cela plaise ou non, que les résultats soient positifs ou non, et quelles qu'en soient les conséquences ».
Le Dr Alain Privat, directeur de recherche de l'INSERM (U336, université de Montpellier), trouve, pour sa part, « inacceptable la pression exercée par l'intermédiaire des patients ». D'autant que, affirme-t-il, « le produit n'a pas fait la preuve de son efficacité, ni de son innocuité. Dans l'état actuel des connaissances, un tel traitement ne peut être envisagé ». Il craint une entreprise purement commerciale. « On ne peut parler de protocole compassionnel, car ces personnes ne sont pas en danger de mort. Même si leur détresse existe et si elles sont en fauteuil roulant, leur espérance de vie est préservée. » Il affirme qu'il existe à l'INSERM et au CNRS un programme grâce auquel sont testés des hydrogels de ce type : « Le Neurogel aurait pu y être testé dans ce cadre, si le Dr Woerly s'était porté candidat. Les tests déjà accomplis sur des produits de ce type ont montré qu'ils étaient bien tolérés et qu'il existait bien un envahissement par des axones. Mais, jusqu'ici, on n'a pas prouvé qu'il s'agissait d'une reconstitution des circuits neuronaux, ni d'une restitution de la fonction. »
Pour le ministère de la Santé et la direction générale de la Santé, qui ont reçu des membres de l'association, « il n'est pas question de délivrer de dérogation, selon Pierre Rondio, mais d'accélérer la procédure d'évaluation par l'AFSSAPS. En France, nous avons vingt ans de retard dans le domaine des biomatériaux, mais nous sommes prêts à nous battre ». Avant qu'un tel essai clinique ait lieu, il devra être examiné par un comité consultatif de protection des personnes dans la recherche médicale (CCPPRB).
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