LES SYNDICATS médicaux sont nombreux à crier à l’hypocrisie en matière de parcours de soins. Même les promoteurs du dispositif (par le biais de la convention) admettent des ratés et tirent des enseignements «contrastés» de cette première année d’expérience.
DrMichel Chassang, président de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français) :
«N’oublions pas l’essentiel: le parcours de soins, tel qu’il est souhaité initialement, c’est une meilleure coordination des soins. Pour y parvenir, deux étapes ont été franchies –le choix du médecin traitant, la mise en oeuvre du parcours proprement dit– mais une troisième –le DMP– reste en jachère. Le dispositif n’est donc pas complet.
Au cours de cette première année, sa mise en oeuvre s’est faite de façon diverse et, depuis le 1erjanvier 2006, avec énormément de difficultés. A cette date, en effet, les caisses ont fait le choix d’une modulation du ticket modérateur hors parcours (une mesure que nous avons toujours refusée), qui a posé d’importants problèmes pour les CMU, pour les cabinets de groupe, pour les jeunes installés.
Procéder ainsi était complètement prématuré et cela a débouché sur un tas de difficultés administratives vécues d’abord par les patients et transmises ensuite aux médecins. On est arrivé à cette situation délirante où des médecins ont pu faire les frais, financièrement, du parcours de soins! Tant et si bien que le bilan de ce parcours, qui aurait dû être très positif, est devenu pour le moins contrasté. La communication de la Caisse, qui a laissé croire qu’on avait institué non pas un parcours mais des filières de soins, avec passage obligé chez le généraliste, et qui a eu des conséquences désastreuses pour certaines spécialités, n’a évidemment rien arrangé. Nous avions trouvé la parade avec l’avenant n°12 à la convention. Manque de bol, il est paru tardivement et incomplet. Difficile de faire mieux que cela pour mettre des bâtons dans les roues des médecins!
Cela étant, il ne faut pas perdre l’esprit du parcours de soins et il ne faut pas céder –comme le font certains beaucoup trop vite– à la tentation de le mettre à la poubelle. Ce serait une très mauvaise idée. On laisserait alors la place à des choses beaucoup plus contraignantes.»
DrPierre Costes, président de MG-France :
«Au bout d’un an, pour les médecins généralistes, le parcours de soins, c’est un formulaire administratif, de la paperasse, des contraintes. C’est aussi une baisse d’activité et une baisse de rémunération. Tout ce qu’il ne fallait pas faire! Cela étant, je prends acte de ce que, aujourd’hui au moins, la droite considère que le parcours ne fonctionne pas et qu’il faut donner les moyens notamment économiques de leurs missions aux médecins généralistes (ce que nous disons depuis le premier jour) . J’ai entendu le récent discours du ministre de la Santé comme celui du président de l’UMP: pour eux, il faut aller vers un forfait pour tous les patients inscrits chez les médecins traitants et non plus pour quelques-uns, et il faut une rémunération des généralistes identique à celle des spécialistes, à tout le moins dans le cadre de la médecine de groupe. Maintenant que ces intentions sont annoncées, il faut passer à l’acte.»
DrJean-Claude Régi, président de la FMF (Fédération des médecins de France) :
«Pour nous, à la FMF, la finalité d’un parcours de soins, c’est de faire une bonne coordination. Mais, dans les faits, les parcours ne font que déprimer l’activité de la médecine spécialisée. Quant aux généralistes, on peut bien leur dire: “Vous êtes les pivots du système”, sans moyens, cela ne veut pas dire grand-chose. Il est évident que les parcours de soins ne répondent pas au motif pour lequel ils sont affichés: ils ne sont qu’une maîtrise. Ne parlons pas, donc, de parcours de “soins”, mais plutôt de parcours de “prix”. Quand on discute d’accès direct ou pas, on a beau faire un grand habillage, on ne parle pas de coordination, mais de pognon! Le jugement que nous portons sur les parcours au bout d’un an est le même que celui que nous avions au début. Il s’agit d’un très beau montage, un peu diabolique, en aucun cas satisfaisant.»
DrJean-Louis Caron, secrétaire général du SML (Syndicat des médecins libéraux) :
«Nous avons été porteurs de ce projet et nous ne regrettons pas que les parcours de soins aient été mis en place. Nous notons aujourd’hui que c’est un succès et qu’il induit une reconnaissance explicite du médecin généraliste. Toutefois, il y a eu quelques bugs. En particulier, on rêvait d’un parcours médicalisé et il est un peu administratif. Les caisses sont passées par là –chassez le naturel, il revient au galop–, elles ont dérivé dans ce sens et cela a un peu dénaturé le parcours. Le rattrapage de ce travers a commencé, il est encore insuffisant. Il faut redresser tout ce qui a été perturbant pour les patients et pour les médecins.»
DrClaude Bronner, président d’Espace Généraliste :
«Je fais un excellent bilan du parcours de soins dans la mesure où il nous a permis de faire un bon score aux élections aux Urml [unions régionales des médecins libéraux, Ndlr] : ceux qui n’étaient pas d’accord se sont fait entendre. Plus sérieusement, autant l’idée du médecin traitant, celle d’un parcours de soins me conviennent sur le plan philosophique, autant il est dommage qu’une fois de plus, quand les caisses s’en mêlent, elles arrivent à rendre les choses catastrophiques. Le scénario du médecin référent –l’assurance-maladie n’a rien fait pour que cette option fasse envie– s’est répété avec le médecin traitant. Pour qu’une réforme de ce style marche, il faut qu’elle soit fonctionnelle. Ça n’a pas été le cas du tout. Comme d’habitude, les caisses ont dit “marche ou crève”et comme d’habitude, ça a été “crève”.»
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