14-17 juin - Lyon
SELON LES ETUDES épidémiologiques, la prévalence de la dépression de l’enfant varie entre 1 et 3 %. Elle concerne les enfant âgés de 5-6 ans jusqu’à 12-13 ans, autant les filles que les garçons. C’est une pathologie souvent difficile à repérer. Il faut y penser à chaque fois qu’un changement est observé dans le comportement habituel de l’enfant. Il y a un « avant » et un « après ». C’est ce qui va permettre au médecin d’orienter le diagnostic, en utilisant des critères précis. L’interrogatoire est très important. Il convient d’écouter attentivement l’enfant et de prendre en compte ses propos : « Je suis nul, je n’y arrive pas, je m’ennuie, j’en ai marre, je n’en peux plus… », d’observer la manière dont il s’exprime, comment il joue et s’il persévère ou non dans ce qu’il fait. Il faut également entendre les parents qui peuvent confirmer l’inhibition de leur enfant : « Il n’ose pas, il n’a pas confiance en lui, il sourit moins, il est devenu indifférent, il a tendance à s’isoler, il pleure souvent, il est triste, il a l’air absent, il est plus sage qu’avant, il est plus gentil !… » On retrouve la majorité des symptômes de la dépression de l’adulte : un ralentissement psychomoteur ou, à l’inverse, une instabilité de l’humeur, des troubles du sommeil, des troubles de l’appétit, une perte d’estime de soi, de la culpabilité, de la honte ; et, plus spécifiquement, une irritabilité, des troubles de l’attention avec instabilité et des plaintes somatiques (céphalées ou douleurs abdominales par exemple). La dépression de l’enfant est plus somatique que celle de l’adolescent qui est souvent plus comportementale. Un trouble anxieux est associé dans 30 à 60 % des cas et, souvent, il précède même la dépression.
Le retentissement social et scolaire, conséquence de la dépression de l’enfant, est à surveiller. La chute des résultats scolaires est liée à des troubles de l’attention, un défaut de concentration, un désintérêt. Néanmoins, des troubles tels des troubles de l’apprentissage ou une dyslexie, passés inaperçus, peuvent précéder l’apparition de la dépression.
Perte ou séparation.
Un certain nombre de facteurs favorisent l’apparition de la dépression.
On retrouve très souvent un événement ayant entraîné une « perte ». Toute perte ou séparation peut favoriser la survenue d’un état dépressif chez l’enfant (deuil, séparation parentale, déménagement…). Il peut s’agir aussi de perte qui peut paraître banale pour un adulte, comme celle d’un animal familier. Mais tous les événements difficiles de la vie peuvent être en cause : la maladie d’un parent, un environnement familial conflictuel, la maltraitance, une trop grande rigidité dans le mode éducatif, une maladie chronique qui touche l’enfant. En outre, chez un enfant déprimé, il faut toujours rechercher une dépression chez ses parents.
Des aides diagnostiques.
Il existe des instruments de recherche qui peuvent apporter une aide à l’évaluation clinique. Ce sont : des échelles d’évaluation standardisées comme la Children’s Depression Inventory (CDI) ou la Children’s Depression Rating Scale (Cdrs) qui permettent au clinicien de quantifier la dépression et de suivre son évolution au fil du temps. Ce sont des « guidelines » qui reprennent les symptômes classiques : troubles du sommeil, tristesse, ralentissement, perte de plaisir, perte de l’estime de soi, culpabilité, etc. Ces symptômes doivent être présents pendant plusieurs semaines (deux ou trois) pour qu’ils fassent évoquer la dépression ; sinon, ils traduisent simplement un mouvement réactionnel et adaptatif de l’enfant. D’où l’importance de revoir l’enfant rapidement après une première consultation.
Enfin, il faut éliminer une pathologie organique sous-jacente, par un examen somatique rigoureux complet et la réalisation d’examen complémentaire au moindre doute. Une tumeur cérébrale, par exemple, peut se manifester à son début par un ralentissement, des troubles de l’attention, une baisse dans les résultats scolaires et des plaintes somatiques…
La prise en charge de la dépression de l’enfant est avant tout psychothérapeutique.
La dépression de l’enfant est bien souvent réactive aux mesures psychothérapiques et une amélioration peut être observée en quelques consultations. Ce n’est que lorsque la psychothérapie se révèle inefficace que des traitements pharmacologiques peuvent être prescrits. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (Isrs) sont préférés aujourd’hui aux antidépresseurs tricycliques. Les molécules préconisées, la fluoxétine (Prozac) et la sertraline (Zoloft), ont bénéficié d’un grand nombre d’études chez l’enfant, avec une bonne tolérance. Ces médicaments sont prescrits pour une durée de trois à six mois au minimum, car l’évolution de la dépression est souvent émaillée d’une récidive dans les années qui suivent (selon les études, de 30 à 50 % de récidive à quatre ans).
Des aménagements scolaires et des aides sociales peuvent être associés. En outre, une guidance, et/ou une aide psychologique, peut être proposée aux parents, notamment s’ils présentent des troubles anxieux sévères, voire dépressifs. Enfin, une hospitalisation de l’enfant est indiquée en cas de dépression très sévère avec risque suicidaire ou dans les cas où l’environnement familial apparaît particulièrement carencé (maltraitance…).
D’après un entretien avec le Dr Hugues Desombre, pédopsychiatre, département de pédiatrie, hôpital Edouard-Herriot, Hospices civils de Lyon.
Les recommandations de la conférence de consensus sur « Les troubles dépressifs chez l’enfant : reconnaître, soigner, prévenir, devenir », présentées les 14 et 15 décembre 1995, figurent sur le site de l’Anaes (http://www.anaes.fr).
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