La découverte de nombreuses sources de cellules souches somatiques ouvrent des perspectives importantes pour la mise en place de thérapies cellulaires. Ces approches thérapeutiques nécessitent la greffe de cellules autologues, car la transplantation de cellules allogéniques risque d'entraîner un rejet. Par conséquent, leur utilisation implique l'isolement et la différenciation de cellules souches à partir de chaque malade à traiter.
Helen Lin et coll. (Stemron Corporation, Gaithersburg, Maryland) proposent aujourd'hui une solution permettant de s'affranchir, en partie, de ce problème. Leur approche se fonde sur le fait que lorsqu'un greffon est constitué de cellules homozygotes pour les gènes HLA du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH), il est compatible avec davantage d'hôtes non apparentés au donneur puisqu'il exprime un nombre d'antigènes deux fois moins important.
Or un moyen d'obtenir des cellules homozygotes, entre autres pour les gènes HLA, consiste à induire la division d'ovocytes II non fécondés. Ces cellules sont bloquées en métaphase de la deuxième division de la méiose et contiennent donc un jeu unique de chromosomes dupliqués (voir encadré).
Chez certains organismes dont des insectes et les reptiles, la division de ces cellules peut avoir lieu naturellement : c'est la parthénogenèse. Chez les mammifères, la parthénogenèse peut être induite mais l'embryon résultant d'une telle manipulation mourra très rapidement.
Le pari de Lin est coll. est le suivant : en induisant la parthénogenèse chez l'homme, il doit être possible d'atteindre un stade du développement embryonnaire suffisant à la mise en culture de cellules souches homozygotes pluripotentes, notamment utilisables en clinique pour des greffes allogéniques. En outre, pour les auteurs, les embryons à partir desquels ces cellules sont obtenues ne pouvant conduire à la naissance d'un enfant, leur utilisation permet de s'affranchir de certains problèmes éthiques liés à l'utilisation des cellules embryonnaires classiques.
Afin de tester la faisabilité de ce projet, Lin et coll. ont tout d'abord travaillé dans le modèle murin. A partir d'ovocytes II de souris, ils ont réussi à obtenir plusieurs lignées de cellules souches homozygotes stables. La capacité de ces cellules à se différencier en différents tissus in vivo et in vitro a été vérifiée.
Les auteurs ont poursuivi leur projet en recherchant les meilleures conditions permettant d'induire la parthénogenèse d'ovocytes II humains. Jusque-là, une telle expérience n'avait jamais permis d'atteindre un stade du développement embryonnaire suffisamment avancé (formation du blastocyte) pour permettre la mise en culture de cellules souches. Parmi les différentes conditions testées par Lin et coll., une d'entre elles a permis d'obtenir un blastocyte à partir duquel des cellules prolifératives ont pu être isolées. Cependant, sur les six ovocytes traité par cette méthode, un seul a conduit à la formation d'un blastocyte. Par conséquent, des efforts complémentaires devront être fournis pour que l'obtention de cellules souches à partir d'ovocytes humains puissent être réalisées selon un protocole efficace et reproductible.
Dans cette étude, Lin et coll. ont démontré qu'il était possible d'obtenir des cellules souches homozygotes pluripotentes à partir d'ovocytes de souris et probablement à partir d'ovocytes humains. Pour eux, cette découverte pourrait conduire à des applications intéressantes en clinique, en particulier en matière de thérapie cellulaire.
Le problème de l'homozygotie
S'ils soulignent l'intérêt de l'état homozygote de ces cellules du point de vue de leur immunogénicité, les auteurs n'abordent pas le problème que soulève l'homozygotie de l'ensemble du génome. L'état homozygote n'est pas favorisé par l'évolution parce que nous sommes tous porteurs, à l'état hétérozygote, d'un nombre non négligeable de gènes mutants récessifs. Si ces gènes se retrouvent à l'état homozygote, ils sont susceptibles d'entraîner de nombreux effets délétères à l'échelle de la cellules ou même de l'organisme. Par conséquent, l'idée de greffer de telles cellules à des malades dans le but de les soigner paraît assez risquée. D'ailleurs, dans la conclusion de leur article, Lin et coll. suggèrent que les cellules obtenues à partir d'ovocytes II contenant un ou plusieurs oncogènes pourraient être des modèles intéressants pour l'étude de la cancérogenèse.
« Stem Cells », 2003, vol. 21, pp. 152-161.
Objectif infertilité
Si Lin et coll. ont réussi à produire des cellules souches à partir d'ovocytes de souris, un second groupe de chercheurs (parmi lesquels des Français du centre de neurochimie de Strasbourg) a tenté l'expérience inverse : obtenir des ovocytes en partant de cellules souches embryonnaires. Leurs travaux pourraient conduire à des applications innovantes pour le traitement de l'infertilité.
Karin Hübner et coll. ont utilisé des cellules souches embryonnaires (ES) de souris modifiées génétiquement, comportant un gène exprimé uniquement dans les cellules germinales et codant pour une protéine fluorescente. Ces cellules ont été mises en culture, et, au bout de quatre jours, une partie d'entre elles ont commencé à exprimer le marqueur fluorescent.
Des agrégats de cellules
Ces cellules ont été isolées et remises en culture. Au bout de douze jours, Hübner et coll. ont récupéré des agrégats de cellules se détachant des clones formés dans les boîtes de culture. Ces agrégats remis en culture ont montré une organisation similaire à celle des follicules ovariens. Au vingt-sixième jour, des cellules morphologiquement semblable aux ovocytes ont été retrouvées, flottant dans le surnageant des cultures.
L'analyse de l'expression de différents marqueurs spécifiques aux cellules germinales et d'autres gènes exprimés au cours de la méiose semble, elle aussi, indiquer que les cellules obtenues sont bien semblables à des ovocytes.
Des études complémentaires devront être réalisées afin de savoir si ces cellules peuvent être fécondées.
E.B. « Science » du 1er mai 2003.
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