LA MODE NE FAIT pas de sentiments avec les vêtements. Ni même avec les mots. Bientôt, iatrogénie, «événement provoqué par un acte médical ou par les médicaments, même en l’absence d’erreur du médecin», selon le « Petit Larousse », cédera la place à iatrogenèse. Ce terme nouveau définit un problème de santé publique qui, lui, ne date pas d’hier et semble de plus en plus préoccuper la communauté médicale. Car, parmi les 130 000 cas de personnes hospitalisées chaque année en France en raison d’un accident lié à la prise de médicament, de 40 à 60 % pourraient être évités. En tête de liste, les personnes âgées, particulièrement exposées aux accidents iatrogènes. Ces personnes suivent fréquemment une polymédication liée à une polypathologie et associée à une fragilité courante. La prévention du risque iatrogène figure donc parmi les objectifs que s’est fixés l’assurance-maladie en 2006, à côté de la prévention des complications du diabète et le rôle du généraliste dans le dépistage du cancer du sein.
En pratique, les médecins traitants seront encouragés par l’assurance-maladie à revoir périodiquement les traitements de leurs patients à risque, en s’interrogeant sur des prescriptions de médicaments redondants ou inappropriés, avec risque iatrogène. Pour cela, des praticiens-conseils rencontreront prochainement 15 000 médecins traitants dont la patientèle est atteinte de polypathologie. Ils leur présenteront également les recommandations de l’Afssaps ainsi que des outils pratiques d’aide au repérage et à la maîtrise du risque iatrogène élaborés par la HAS. En parallèle, l’assurance-maladie sensibilisera les assurés sociaux à l’iatrogénie médicamenteuse par des spots radiophoniques et des dossiers dans la presse grand public.
Hiérarchiser les prescriptions.
L’assurance-maladie compte cibler sa communication sur les risques iatrogènes autour de certaines classes de médicaments. Parmi eux figurent en priorité trois thèmes retenus par la HAS : les benzodiazépines à demi-vie longue, susceptibles d’accumulation, avec risque de chutes, troubles de la vigilance, troubles mnésiques et aggravation des troubles cognitifs antérieurs ; les psychotropes en général et surtout les prescriptions concomitantes de plus de deux de ces molécules, dont la multiplication sur une même prescription peut être responsable d’effets de potentialisation, avec risques accrus, par exemple de chutes, de troubles cognitifs ou de troubles de la vigilance ; les vasodilatateurs et anti-ischémiques, qui ne sont pas considérés comme prioritaires lorsqu’il s’agit de hiérarchiser les prescriptions sur ordonnance. «Il s’agit d’être vigilant vis-à-vis des médicaments à longue durée de vie, qui pourraient susciter certaines interactions néfastes pour le patient. Et, surtout, d’encourager les médecins traitants à hiérarchiser les prescriptions en considérant l’ensemble du patient», a souligné le Pr Jean Doucet (service de médecine interne gériatrique, CHU de Caen), membre de l’Association pédagogique nationale pour l’enseignement de la thérapeutique (Apnet).
La surveillance est donc le mot d’ordre de cette nouvelle campagne de sensibilisation. Notamment, la surveillance des personnes qui ont des pathologies évolutives. «Le manque de réévaluation des traitements est évident», a ajouté le Pr Doucet. En particulier quand il s’agit d’une personne âgée.
Les personnes âgées plus exposées.
A partir de 65 ans, les patients rencontrent deux fois plus d’effets indésirables liés à la prise de médicaments car ils accumulent les facteurs de risque. «La population la plus exposée est celle qui a plus de 55ans et qui consomme au moins 7médicaments», signale le Dr Joëlle Guilhot, du cabinet du médecin-conseil national de la Cnam. Et ces effets peuvent être graves : ce sont entre 10 et 20 % des personnes âgées victimes d’effets indésirables qui sont hospitalisées. Selon certaines études, sur les patients âgés de plus de 70 ans hospitalisés avec un effet indésirable d’origine médicamenteuse, 43 % des médicaments les plus impliqués seraient cardio-vasculaires et 31 %, des psychotropes. Dans 60 % des cas, ce sont des interactions médicamenteuses qui sont impliquées ainsi que des événements intercurrents aigus, comme la déshydratation. Pour pallier ces problèmes, l’assurance-maladie rappelle l’importance de la place consacrée à l’enseignement de l’iatrogénie médicamenteuse au sein de la formation professionnelle conventionnelle dès 2007. Cette année, près de 13 sessions de formation sont proposées sur ce thème, pour environ 400 places disponibles.
Informations : www.has-sante.fr rubrique évaluation/ actualités. Des outils pratiques sous forme de grilles d’autoanalyse y figurent pour réévaluer les traitements des patients à risque iatrogène accru.
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