Le prurit est, avec l'oeil rouge, le principal symptôme de l'allergie oculaire. Les grandes formes de conjonctivite allergique sont différentes tant par leurs mécanismes immunitaires que par leurs manifestations cliniques. Leur prise en charge va prochainement faire l'objet d'un consensus formalisé d'experts.
LE PRURIT oculaire est un symptôme fréquent, associé généralement à une réaction allergique, qui s'exprime par une sensation de démangeaison dans les yeux précédant un besoin impérieux de frottement. Il peut être d'intensité variable, mais il est souvent très invalidant. Les mécanismes en sont complexes. On évoque une sensation d'origine neurogène qui emprunte les fibres nociceptives C pour amener l'information de la peau vers le système nerveux central. L'histamine en est le principal médiateur.
Les antiallergiques locaux en première intention.
Dans la conjonctivite allergique, la réaction d'hypersensibilité est surtout de type I (hypersensibilité immédiate) : l'allergène se fixe sur les mastocytes, ce qui entraîne aussitôt leur dégranulation avec libération d'histamine, d'où la stratégie thérapeutique locale avec des collyres antihistaminiques H1 : azélastine, émédastine, épinastine, kétotifène, lévocabastine, olapatadine. Les antihistaminiques H1 par voie orale sont souvent utilisés quand les signes fonctionnels sont étendus à la sphère ORL (rhinite). Les antihistaminiques H1 de première génération entraînent des effets secondaires gênants (somnolence, troubles de l'équilibre…) et sont de moins en moins utilisés au profit des antihistaminiques H1 de deuxième génération. «Mais, depuis peu, on a isolé un récepteur à l'histamine H4 qui serait lui aussi impliqué dans l'origine de ce prurit. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives dans la prise en charge, parfois difficile,du prurit oculaire allergique chronique, a souligné le Dr Frédéric Chiambaretta (Clermont-Ferrand). Par ailleurs, l'histamine est loin d'être le seul médiateur impliqué dans le prurit oculaire. Les cytokines (IL1, IL31), les leucotriènes, les prostaglandines, la tryptase jouent également un rôle pathogène important. On a donc d'autres voies thérapeutiques potentielles.»
Une autre possibilité d'action locale repose sur des collyres antidégranulants mastocytaires qui stabilisent la membrane mastocytaire par action sur les canaux calciques (cromoglycate de sodium, lodoxamide, acide N-acétylaspartylglutamique…). Ils peuvent être utilisés à titre préventif pendant plusieurs mois. Les corticoïdes locaux n'ont qu'une place restreinte dans l'arsenal thérapeutique (en cure courte, en cas de kératoconjonctivite vernale et de kératoconjonctivite atopique). Ils peuvent être responsables d'effets secondaires (corticodépendance, cataracte, glaucome…) en cas de mauvaise utilisation. Enfin, dans tous les cas, il faut conseiller le lavage oculaire avec des larmes artificielles, qui permet de nettoyer les culs-de-sac, de diminuer la quantité d'allergènes et de médiateurs de l'inflammation.
Les principaux tableaux cliniques.
L'allergie oculaire est une pathologie polymorphe tant par les tableaux cliniques que par les étiologies. Classiquement, on distingue plusieurs formes cliniques : les conjonctivites saisonnières (CS) et perannuelles (CPA), la conjonctivite gigantopapillaire (CGP) et l'allergie de contact. Certaines vont bien au-delà de l'oeil qui gratte… et posent encore problème.
Selon la classification de Gell et Coombs, les phénomènes d'hypersensibilité de type I et de type IV sont tous deux impliqués, sauf dans les CS et CPA, où seule l'hypersensibilité immédiate est présente.
Les conjonctivites saisonnières – Les formes dues aux pollens sont les plus fréquentes. L'aspect clinique est souvent simple : début brutal, atteinte symétrique, prurit avec larmoiement associé à une hyperhémie, un oedème et une photophobie. En retournant la paupière supérieure, on met facilement en évidence des papilles agressives pour la cornée.
La conjonctivite perannuelle – Les signes cliniques sont moins violents et se répètent toute l'année, réalisant une « conjonctivite chronique » généralement difficile à traiter. «Les résultats obtenus avec les antihistaminiques sont souvent décevants et l'association avec la sécheresse oculaire est fréquente. On note une altération très nette du film lacrymal», a précisé le Pr Christophe Baudoin (Paris).
La conjonctivite gigantopapillaire – Il s'agit d'une conjonctivite décrite principalement chez les patients porteurs de lentilles de contact ou de prothèses oculaires. On retrouve, à l'examen de la conjonctive palpébrale supérieure, des papilles de taille importante.
L'allergie de contact – Les paupières sont habituellement rouges et enflées, avec un eczéma. Les causes les plus fréquentes sont les collyres (avec conservateurs), les solutions pour lentilles de contact, les produits cosmétiques…
Vers un consensus sur la prise en charge.
La prise en charge thérapeutique des conjonctivites allergiques va prochainement faire l'objet d'un consensus formalisé élaboré par le groupe Ophtalmo-Allergo, les Sociétés françaises d'allergologie et d'ophtalmologie. La classification des conjonctivites allergiques est, en effet, en retard par rapport à celle des autres manifestations allergiques. Pour les ophtalmologistes, les conjonctivites se classent encore en type I anaphylactique et IV à médiation cellulaire. Pour caractériser un prurit, les ophtalmologistes ont pour habitude de prendre en compte en premier la sensation du patient : ce qui gratte est associé à l'allergie et ce qui pique, à un syndrome sec. Il faut donc essayer de rationaliser et d'employer un langage commun entre ophtalmologistes et allergologues. Comment faut-il explorer les conjonctivites allergiques (pricks-tests, IgE spécifiques…). Faut-il faire un test de provocation conjonctivale allergénique en ambulatoire ? Dans quel cas faut-il pratiquer une désensibilisation ?
Quelle est la place de la prévention ? Les données disponibles sont rares. Le groupe de travail va donc essayer de répondre à toutes ces questions (et bien d'autres…) et émettre des recommandations, si possible avant la fin de l'année.
Session sur « Le prurit oculaire » organisée en coordination avec le groupe d'ophtalmo-allergologie (GOA), avec la participation du Pr Christophe Baudoin (Paris), et des Drs Jean-Luc Fauquert (Clermont-Ferrand), Fredéric Chiambaretta (Clermont-Ferrand), Jean-Claude Wu Tiu-Yen (Saint-Pierre de la Réunion) et Dr Bruno Mortemousque (Bordeaux).
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