PLUSIEURS ETUDES de l'assurance-maladie ont montré que la prise en charge des dyslipidémies n'était pas optimale, tant en termes de diagnostic biologique, de décision thérapeutique que de prise en charge diététique. En mars 2005, l' Afssaps a actualisé ses recommandations de bonne pratique sur la « Prise en charge des dyslipidémies » en préconisant que la diététique soit considérée comme un traitement à part entière de l'hypercholestérolémie. Le LDL cholestérol constitue « le paramètre décisionnel du traitement des dyslipidémies ». En prévention primaire, dès que le taux de LDL cholestérol dépasse 1,60 g/l (4,1 mmol/l), le traitement diététique administré seul réduit les événements cardio-vasculaires, et doit être proposé en première intention chez les patients à risque cardio-vasculaire. En prévention secondaire, quand le risque cardio-vasculaire est élevé, la diététique est un complément indispensable aux traitements médicamenteux. L'objectif principal de ces recommandations diététiques concernent les acides gras avec une diminution des apports en graisses saturées au bénéfices des graisses insaturées (poly- et mono-insaturées) et une réduction des apports lipidiques, ceux-ci ne devant pas dépasser 30 % de la ration calorique. Ces mesures touchent également une diminution des apports alimentaires de cholestérol autour de 300 mg/j, un apport suffisant en fibres et en glucides complexes pour compenser la réduction calorique liée à la restriction lipidique, un apport en produits enrichis en stérols végétaux… Un message fort est également prôné : le médecin doit négocier des objectifs simples et adaptés, accessibles à chaque patient.
Préconiser un régime alimentaire, qui implique de profondes modifications dans l'alimentation quotidienne est difficile, notamment chez des personnes de 50-60 ans qui, pendant toute une vie, ont acquis des habitudes alimentaires bien ancrées. Pour le médecin, le temps des consultations est souvent trop court (bien que nous soyons le pays européen où les consultations sont les plus longues) pour expliquer la nécessité d'un régime strict, pour indiquer les produits, les quantités des aliments à privilégier, pour adapter après une écoute attentive le régime aux habitudes de chaque patient... Entre la persuasion du médecin et la compréhension du patient sur les nouvelles attitudes alimentaires à adopter, le suivi du régime, il y a souvent un « gap »… et une concurrence forte des sources d'informations existe ( entourage, médias…).
Peu d'études ont été réalisées sur les pratiques des médecins généralistes en matière d'instauration de régimes hypocholestérolémiques et sur l'opinion que s'en font les patients. Pour mieux comprendre, en situation réelle, la prise en charge diététique mise en oeuvre par les médecins généralistes pour leurs patients hypercholestérolémiques et en miroir les attitudes et les opinions des patients, une étude observationnelle, l'étude Aderh (Adhésion à la Diététique Et aux Recommandations pour Hypercholestérolémiques) a été réalisée par Danone Santé, la fondation Coeur et Artères et la nouvelle Société française d'athérosclérose.
Cette étude multicentrique prospective a été conduite de mai à juin 2006 par 234 médecins généralistes volontaires (âge moyen 50 ans) auprès de 434 patients (âge moyen 56 ans, en majorité des hommes) ayant une hypercholestérolémie depuis moins de 6 mois, 226 d'entre eux ayant un traitement pharmacologique, 228 sans traitement pharmacologique. Des questionnaires personnels ont été remplis par les médecins pour décrire leurs pratiques et la prise en charge individuelle des patients. Les comportements et les opinions des patients ont été recueillis indépendamment par un autoquestionnaire à l'issue de la consultation (84 % des autoquestionnaires ont été retournés par les patients). De cette enquête, il ressort pour les médecins généralistes que la prise en charge diététique fondée sur l'appréciation du risque cardio-vasculaire était perçue comme essentielle. C'est aussi un moyen de responsabiliser les patients. Les médecins ont déclaré avoir préconisé un régime à 97,2 % des sujets, qu'ils soient traités (96,5 %) ou non (98,1 %). Le régime était instauré au moment du diagnostic pour 74,4 % des sujets, plus fréquemment pour les sujets non traités.
Pour les patients, si le suivi de règles hygiènodiététiques est jugé comme « important », il apparaît toutefois moins crucial que le suivi d'un traitement pharmacologique. Dans cette enquête, 78 % des patients hypercholestérolémiques déclarent suivre un régime, conscients de son efficacité. Ce suivi est lié à la recommandation du médecin et à sa persuasion. Mais ils reconnaissent que toutes les règles conseillées ne sont pas suivies fidèlement, difficiles de limiter sa consommation en alcool ou en vin, de se limiter à deux oeufs par semaine..). Pour les 22 % n'adhérant pas à un régime, les raisons avancées étaient soient qu'ils estimaient leurs habitudes alimentaires déjà satisfaisantes, soient qu'ils étaient insuffisamment motivés.
L'évaluation de la qualité du suivi du régime sur 340 patients évaluables a montré que 44,7 % des patients traités ou non suivaient le régime hypocholestérolémiant de « manière plutôt satisfaisante », montrant une bonne réceptivité aux conseils du médecin, même si on constate un décalage certain entre la volonté affichée par une majorité de patients à suivre un régime et sa mise en oeuvre effective…
Dans cette étude, les médecins dévoilent leurs difficultés face à la prise en charge diététique. Les patients ont des résistances devant les privations liées aux conseils diététiques. Les patients sont face à des risques hypothétiques, ils n'ont pas de symptômes. Ils sont lassés par des conseils diététiques répétitifs. Enfin, nombreux sont les patients qui pensent que, de toute façon, régime ou pas régime, il faudra passer au traitement médicamenteux.
Dans cette étude, pour favoriser l'adhésion des patients à un régime alimentaire, les médecins ont deux types d'approche : l'une est plus « relationnelle » privilégiant l'écoute, l'analyse des habitudes alimentaires, un suivi avec des objectifs par étapes, à chaque consultation, valorisant le patient « vous pouvez y arriver », l'autre « plus académique » s'appuyant sur des documents explicatifs, insistant sur la nécessité de suivre un régime pour reculer le passage aux médicaments.
Commentant les résultats de l'étude, le Dr Christophe André estime que «la vision pessimiste qui avait pu être faite sur l'attitude des patients vis-à-vis des conseils diététiques des médecins n'est pas confirmée. La réceptivité aux conseils des médecins est plutôt satisfaisante et on assiste à une évolution favorable de l'éducation des patients par le médecin». La prise en charge diététique de l'hypercholestérolémie doit faire l'objet d'une stratégie individuelle, en négociant des objectifs et nombreux, en visant à responsabiliser davantage les patients, à mieux les accompagner et à soutenir leurs efforts.
« Diététique hypocholestérolémiante : pratiques et opinions de leurs patients », session présidée par le Pr Eric Bruckert et parrainée par Danone Santé avec la participation du Dr Denis Pouchain, médecin généraliste)), du Dr Christophe André, psychiatre.
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