CLASSIQUE
C'est le second volet de la trilogie Mozart-da Ponte, qu'aborde le chef belge René Jacobs avec le Concerto Köln. En 1999, au festival d'Aix-en-Provence, son « Cosi fan Tutte », dans une mise en scène asiatisante, avait déçu. Ses « Noces » auront bénéficié d'une mise en scène traditionnelle bien que non irréprochable de Jean-Louis Martinoty, mais c'est lui qui, par son interprétation du chef-d'uvre absolu de Mozart avec un certain nombre de trouvailles et un orchestre sans faille, qui est le grand vainqueur de la soirée.
Il faut dire que comme pour « Cosi », il s'est adjoint le talent immense du jeune Nicolau de Figueiredo qui, au continuo pianoforte, réalise plus que ce que l'on entend habituellement comme accompagnement de récitatifs. C'est un véritable génie musical qui sait inventer un langage naturel, qui s'impose dans l'orchestre comme un personnage supplémentaire, un commentateur qui assure climats, bruitages, non dits, bref tout ce qui n'est pas écrit dans la partition mais qui fait la saveur de cet opéra bouffe.
La distribution, en revanche, a ses failles et l'on ne se range pas du côté de ceux qui affirment que Véronique Gens est « la » Comtesse du moment : elle s'essouffle rapidement au fil de ses deux grands airs à qui Jacobs donne naturellement le tempo lent qui convient et ses aigus ne sont pas irréprochables, pas plus que sa prononciation italienne. Le Comte de Pietro Spagnoli manque un peu d'envergure vocale. Ici, ce sont les valets qui volent la vedette aux maîtres : la Susanna, au timbre charmeur, de Patrizia Ciofi et le Figaro, très puissant, de Lorenzo Regazzo ainsi que la Marcellina, irréprochable, de Sophie Pondjiclis. Le chant du Cherubino, de Monica Bacelli, très vivace scéniquement, laisse un peu froid vocalement.
Les limites de la mise en scène
Visuellement, le spectacle laisse très mitigé : aux costumes ravissants et aux références étudiées de Sylvie de Segonzac, s'oppose le décor pauvrement imaginatif d'Hans Schavernoch : cadre de scène de travers, scène encombrée à la façon d'un cabinet d'amateur de toiles de couleurs tristes et posées de préférence de travers aussi et quatre portes qui permettent heureusement à l'action de se dérouler. Il faut bien que l'on ne puisse reprocher au spectacle d'être traditionnellement ringard, voilà donc pour le côté branché !
Jean-Louis Martinoty, à deux détails près, a respecté strictement le fonctionnement de la dramaturgie de Beaumarchais revue par Da Ponte. On lui en est reconnaissant ! Mais pourquoi ce parti pris ou cette négligence de diriger le Comte et la Comtesse comme s'ils étaient des valets, refusant leur dimension aristocratique et les distances qui s'imposent ? C'est une réserve de taille, car cela empêche la lisibilité totale de la pièce et lui enlève jusqu'à sa raison d'être : son caractère prérévolutionnaire.
A ceci près, ces « Noces », venant après tant d'excès dont elles ont été victimes rien que lors des festivals de l'été passé viennent comme un baume dans le paysage aujourd'hui quasi constamment perverti des mises en scènes lyriques.
Théâtre des Champs-Elysées (01.49.52.50.50). Prochain spectacle lyrique « The Rake's Progress », de Stravinski, les 21, 23, 26, 28 et 30 novembre à 19 h 30. Prix des places : de 721,55 F (110 euros) à 78, 71 F (12 euros).
Retransmission en direct sur France-Musique le 28 novembre.
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