De notre correspondante
à New York
« AFIN DE REDUIRE le risque potentiel des mutations transmissibles nocives pour les hommes et la faune, ainsi que le cortège des autres problèmes de santé », l'équipe canadienne propose que « des mesures soient prises pour réduire le taux des particules aéroportées en milieu urbain. »
« Les études épidémiologiques continuent de montrer des effets secondaires néfastes sur la santé pour les taux actuels de matière particulaire et d'ozone », soulignent pour leur part Samet (Johns Hopkins University, Baltimore) et coll. dans un commentaire associé. « Ce travail ajoute un nouveau domaine d'inquiétude potentiel », poursuivent-ils. « La confirmation des résultats de Somers et coll. élargirait les effets sanitaires néfastes de la pollution de l'air - au-delà des effets sur les cellules somatiques des personnes exposées - aux cellules germinales, avec les répercussions associées en matière de risque de santé pour les futures générations. »
Ce travail, publié dans « Science », fait suite à une précédente étude de Somers (université d'Hamilton, Ontario) et coll. Dans cette précédente étude, un taux élevé de mutations avait été observé dans la descendance des souris exposées à l'air d'une zone industrielle, comparées à la descendance des souris hébergées en milieu rural.
Etant donné que l'air urbain est contaminé par des émissions à la fois de gaz et de particules, les chercheurs ont voulu savoir ce qui, entre les gaz et les particules, cause ces mutations génétiques.
Ils ont réalisé pour cela l'expérience suivante. Deux groupes de souris de laboratoires ont été hébergées pendant dix semaines dans une zone urbaine industrielle du Lac d'Ontario, près de deux usines d'acier et d'une autoroute. Tandis qu'un des groupes était exposé à l'air extérieur, l'autre était logé dans une chambre équipée d'un système de filtration d'air de haute efficacité pour les particules d'air (Hepa). Ces dernières souris étaient ainsi protégées de l'exposition aux particules aéroportées (à l'exception des plus petites particules ultrafines), mais non de l'exposition aux substances gazeuses. Simultanément, pour comparaison, un troisième et un quatrième groupes de souris ont été placés dans les mêmes conditions d'air extérieur et d'air filtré, mais en zone rurale à 30 km de là.
Deux fois plus de mutations chez les souriceaux.
Neuf semaines après la fin de l'exposition, les souris dans chaque groupe se sont accouplées. Les chercheurs ont ensuite examiné les changements de taille des répétitions tandem expansées (Estr, ou expanded-simple tandem repeat) dans les régions d'ADN non codantes.
Les résultats sont probants. Les souriceaux engendrés par les souris respirant l'air industriel ont deux fois plus de mutations Estr que ceux dans les trois autres groupes ; par ailleurs, les chercheurs ont pu préciser que ces mutations sont héritées du père. La découverte d'une réduction de 50 % du taux des mutations lorsque l'air industriel est filtré laisse penser que les mutagènes liés aux particules, ou les particules elles-mêmes, sont responsables des mutations transmissibles observées de l'ADN.
Comment ces particules polluantes inhalées pourraient-elles induire des mutations dans les cellules germinales des souris mâles ? Le trafic automobile et la production d'acier génèrent, on le sait, des mutagènes aéroportés, dont les hydrocarbones aromatiques polycycliques (HAP) et les métaux lourds ; les particules pourraient délivrer ces agents chimiques, à travers le système respiratoire, à la circulation puis aux testicules, et enfin, aux cellules germinales.
« Ces résultats, concluent les chercheurs, impliquent l'exposition aux particules aéroportées comme un principal facteur contribuant à l'élévation du taux des mutations chez les souris. »
Il est évident que des travaux supplémentaires sont nécessaires. D'une part, un lien direct entre les mutations Estr et des effets sur la santé n'a pas encore été établi, préviennent les chercheurs.
De plus, il reste à savoir si les particules aéroportées induisent également des mutations germinales chez l'homme. Pour ce dernier point, il est à noter que des changements structurels d'ADN ont pu être détectés dans les spermatozoïdes d'hommes exposés à l'air pollué.
« Science », 14 mai 2004, p. 1008.
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