DE NOTRE CORRESPONDANTE À NEW YORK
«NOS RESULTATS apportent la preuve du rôle crucial joué par la connexine40 dans l’électrophysiologie auriculaire et illustrent un nouveau paradigme: les maladies courantes traditionnellement considérées comme idiopathiques pourraient avoir, en fait, une base génétique, avec des mutations confinées au tissu malade», estiment le Dr Michael Gollob et son équipe (Université of Ottawa Heart Institute) dans leur étude.
La fibrillation auriculaire (FA) est de loin l’anomalie du rythme cardiaque la plus fréquente, avec une incidence pouvant aller jusqu’à 3 % dans la population âgée. Elle peut entraîner un accident vasculaire cérébral (elle est impliquée dans 15 % des AVC aux Etats-Unis), être responsable d’un oedème aigu pulmonaire, d’une perte de connaissance grave ou d’une insuffisance cardiaque et accroît le risque de morbi-mortalité.
Raccourcit la durée des potentiels d’action.
Les études recherchant les mécanismes moléculaires de ce trouble du rythme, dont la genèse demeure mal comprise, se sont concentrées jusque-là sur les formes familiales. Récemment, des mutations dominantes dans les gènes KCNQ1 ou KCNE2, codant pour les sous-unités du canal cardiaque à potassium KCNQ1-KCNE2, ont été identifiées par une équipe franco-chinoise comme responsables d’une partie des cas familiaux. Ces mutations sont à l’origine d’un gain de fonction du canal, qui raccourcit la durée des potentiels d’action et la période réfractaire efficace, augmentant ainsi le risque de réentrée.
Les formes idiopathiques de la FA ne sont pas considérées traditionnellement comme étant d’origine génétique. Toutefois, de plus en plus de mutations somatiques sont identifiées comme la cause de cas sporadiques de maladies humaines, dont les cancers, bien sûr, mais aussi des maladies non cancéreuses. Dans cet esprit, l’équipe canadienne s’est demandée si la FA idiopathique ne pourrait pas avoir une base génétique. Elle s’est intéressée au gène GJA5 qui préside à la synthèse de la connexine 40, une protéine des jonctions gap jouant un rôle clé dans la conduction auriculaire, en permettant le transfert intercellulaire du courant électrique (ou couplage électrique entre les cellules).
Le gène GJA5.
Les chercheurs ont analysé le gène GJA5 dans le tissu cardiaque réséqué (et archivé) de 15 patients atteints de FA idiopathique, ainsi que dans leurs lymphocytes. Ces patients avaient déclaré la FA quand ils étaient relativement jeunes (en moyenne à 45 ans) et n’avaient pas de maladie cardiaque hypertensive ou valvulaire coexistante.
La recherche de mutations du gène de la connexine 40 a été fructueuse. En effet, des mutations hétérozygotes ont été identifiées chez 4 des 15 patients. Chez 3 patients, les mutations n’étaient présentes que dans le tissu cardiaque, ce qui indiquait une source somatique de l’anomalie génétique. Le quatrième présentait une mutation germinale du gène, puisqu’elle était trouvée à la fois dans le tissu cardiaque et dans les lymphocytes.
L’analyse fonctionnelle des protéines mutantes révèle que ces mutations réduisent le couplage électrique entre les cellules, en altérant le transport intracellulaire ou l’assemblage des connexines en jonctions gap, ou en inhibant la fonction du canal.
«Puisque le myocarde est composé de cellules entourées d’une double couche lipidique isolante, l’activation électrique du coeur requiert le transfert intercellulaire du courant à travers les jonctions gap, explique, dans un éditorial, le Dr Jeffrey Saffitz (Harvard Medical School, Boston). Les résultats de Gollob et coll. s’ajoutent à la reconnaissance de plus en plus grande du rôle que jouent les altérations de l’expression, de la distribution ou de la fonction des jonctions gap dans les troubles de la conduction pouvant favoriser l’arythmogenèse… Les interactions potentielles entre les facteurs génétiques et les changements acquis dans les jonctions gap restent à élucider.»
« New England Journal of Medicine », 22 juin 2006, p. 2677, Gollob et al.
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