L'ANEMIE aplasique, ou aplasie médullaire, est une hémopathie par défaillance de la moelle osseuse. Elle est caractérisée par la diminution, voire l'absence d'érythroblastes, de granulocytes et de mégacaryocytes dans la moelle, cela s'accompagnant d'une pancytopénie périphérique. La plupart des cas sont acquis et, souvent, idiopathiques, mais l'anémie aplasique peut également être congénitale, comme l'anémie de Fanconi et la dyskeratosis congenita.
De récentes découvertes ont impliqué un déficit de la télomérase dans la défaillance de la moelle osseuse.
Pour rappel, la télomérase, un complexe ribonucléoprotéique, gouverne la synthèse et l'entretien des télomères qui protègent les chromosomes ; les télomères se raccourcissent progressivement au fil des réplications cellulaires et du vieillissement, jusqu'à un point critique qui entraîne la mort apoptotique de la cellule ou son instabilité génomique.
Le rôle clé de la télomérase.
En effet, des mutations dans le gène TERC, le composant ARN de la télomérase, ont été identifiées dans la forme autosomique dominante de la dyskeratosis congenita, ainsi que chez deux familles affectées d'une anémie aplasique en apparence acquise. Ces patients présentent des télomères raccourcis et une faible activité de la télomérase. Cela donne à penser que la télomérase joue un rôle majeur dans le maintien de la capacité réplicative des cellules hématopoïétiques.
Cette notion est importante, car un tiers des patients souffrant d'anémie aplasique acquise présentent des télomères raccourcis dans leurs leucocytes.
Une équipe dirigée par le Dr Neal Young, du National Heart, Lung, and Blood Institute (Nhlbi, NIH, Bethesda), a donc cherché à déterminer si des mutations génétiques dans d'autres composants de la télomérase pouvaient survenir dans l'anémie aplasique.
Les investigateurs ont testé l'ADN des cellules sanguines ou médullaires chez 124 patients atteints d'anémie aplasique en apparence acquise, ainsi que chez 282 sujets témoins, en recherchant des mutations dans les gènes codant pour le complexe de la télomérase : TERT, DKC1, NHP2 et NOP10.
Ils ont ainsi identifié, chez sept patients n'ayant aucun lien de parenté, cinq mutations hétérozygotes dans le gène TERT. Ce gène code pour la transcriptase inverse, qui est le composant protéique de la télomérase.
Télomères raccourcis.
Les auteurs apportent la preuve de l'influence biologique de ces mutations et de leur rôle causal dans la défaillance médullaire. Les leucocytes de ces patients ont, en effet, des télomères raccourcis et présentent une télomérase de faible activité enzymatique.
Chez trois de ces patients, la mutation a été également détectée dans les cellules de la muqueuse buccale. Autrement dit, ces patients, qui présentaient une anémie aplasique en apparence acquise, avaient en réalité des mutations germinales de TERT.
Il est à noter que les sept patients ne répondaient pas au traitement immunosuppresseur.
Ainsi, concluent les chercheurs, « les mutations de TERT et de TERC peuvent être considérées comme des facteurs de risque génétique pour la défaillance hématopoïétique humaine ». Ces mutations réduisent la capacité régénérative de la moelle et la taille du compartiment des cellules souches hématopoïétiques, qui pourrait être particulièrement vulnérable aux agressions de l'environnement.
Orienter le traitement.
Cette découverte a, bien sûr, des implications thérapeutiques. Selon le Dr Willem Fibbe (université de Leiden, Pays-Bas), auteur d'un éditorial associé, « la longueur des télomères devrait être mesurée chez les patients affectés d'une anémie aplasique sévère n'ayant pas répondu au traitement immunosuppresseur, ainsi que chez les patients qui ont des antécédents familiaux de troubles hématopoïétiques ; chez les patients avec des télomères raccourcis, une analyse des mutations de la télomérase est justifiée ».
L'identification de ces mutations pourrait guider le traitement individuel, en conduisant, par exemple, à décider de la mise en œuvre immédiate d'une greffe de cellules souches allogéniques.
« Bien que de telles mutations de la télomérase ne soient mises en évidence que chez un faible pourcentage de patients atteints d'anémie aplasique, elles pourraient représenter la partie visible de l'iceberg », note le Dr Fibbe. « Par conséquent, la recherche de nouvelles mutations dans des gènes impliqués dans le complexe de réparation du télomère n'est pas terminée. »
« New England Journal of Medicine », 7 avril 2005, pp. 1413 et 1481.
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