DE NOTRE CORRESPONDANTE
«NOTRE ÉTUDE suggère que la majorité des moustiques (ou phénotype sauvage) est résistante au paludisme, et que ceux qui sont susceptibles et transmettent vraiment le paludisme ont en fait un problème dans leur propre système immunitaire», déclare au « Quotidien » le Dr Kenneth Vernick (University of Minnesota, St Paul), qui a dirigé ce travail.
«Dans un monde où les moustiques seraient résistants aux parasites, aucun homme ne souffrirait du paludisme.» L’idée intéresse les équipes de chercheurs qui tentent d’introduire des gènes de résistance chez ces insectes. Or l’étude de Vernick et coll., publiée dans la revue « Science », suggère que la tentative pour introduire un nouveau matériel génétique chez les moustiques pourrait ne pas être nécessaire.
On savait jusqu’à présent que des moustiques génétiquement résistants existent dans la nature, et que cette résistance peut être transmise comme une simple caractéristique mendélienne. Cependant, on ignorait la fréquence et la position génomique de ces loci de résistance naturelle chez les moustiques.
Découvrir les gènes de résistance.
Dans une étude associant un travail de terrain à la génétique moléculaire, des chercheurs basés aux Etats-Unis et au Mali (University of Minnesota, St Paul ; Fred Hutchinson Cancer Research Center, Seattle ; Princeton University, New Jersey ; université de Bamako) ont entrepris de découvrir les gènes qui déterminent la résistance au paludisme dans la nature. Leur stratégie : rechercher une variation d’un trait au sein des familles d’insectes, puis utiliser des marqueurs génétiques pour découvrir la localisation des gènes correspondants.
L’équipe a capturé des moustiques femelles dans des huttes au Mali et a laissé ces insectes produire une génération de descendants. Ces derniers ont alors été nourris avec le sang d’un habitant du village, infecté par le paludisme. Après une semaine, ils ont examiné les moustiques et compté le nombre d’ovocytes dans l’intestin de l’insecte. Plus la quantité était faible, plus le moustique était résistant.
Ils ont ainsi découvert que les principaux loci de résistance au Plasmodium sont groupés dans une petite région du chromosome 2L, qu’ils ont baptisée «îlot de résistance au Plasmodium ». Parmi les gènes candidats dans cette région, le gène APL1 (Anopheles Plasmodium-responsive Leucine-rich Repeat 1) semble jouer un rôle particulièrement important. Lorsque son action est bloquée, les moustiques sont vulnérables à l’infection. Ce gène code pour une protéine (Leucine-rich Repeat Protein) qui est semblable à des molécules impliquées dans des mécanismes de résistance naturelle aux pathogènes chez les plantes et les mammifères. Toutefois, d’autres gènes voisins pourraient être impliqués.
22 des 101 lignées n’ont pas été infectées.
La plus grande surprise de l’équipe a été de constater que la résistance, transmise comme une simple caractéristique mendélienne d’effet majeur, est relativement fréquente. Dans 22 des 101 lignées examinées, aucun insecte n’a été infecté après les repas sanguins infectés.
«Cette nouvelle étude montre que de nombreux moustiques sont génétiquement résistants au parasite du paludisme, et que ces moustiques résistants tuent le parasite dans le sang infecté sans le transmettre, explique le Dr Vernick. Un travail de terrain supplémentaire sera nécessaire pour savoir comment les facteurs de résistance du moustique détruisent le parasite.»
En attendant, la fréquence de la résistance naturelle suggère une nouvelle approche de lutte contre le paludisme. En effet, au lieu d’introduire de nouveaux gènes de résistance, pourquoi ne pas éliminer les allèles de susceptibilité de la population minoritaire ? Une approche possible, suggère l’équipe, consisterait à utiliser des champignons «entomopathogéniques» qui ont été identifiés l’année dernière comme des armes potentielles contre le paludisme (« Science », 10 juin 2005, p. 1 531).
Ces champignons tueraient de préférence les moustiques infectés par le Plasmodium. Si c’est vrai, des pulvérisations de champignons pourraient-elles faire disparaître les allèles de susceptibilité ?
« Science », 28 avril 2006, p. 577, Riehle et coll.
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