LE 31 JUILLET , Nicolas Sarkozy a surpris tout le monde au milieu de la torpeur estivale en clarifiant son projet de franchises lors d'un déplacement à Dax. Le chef de l'Etat a ainsi pris de court les acteurs de la santé qui ont découvert les nouvelles modalités de la mesure phare du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2008.
Finalité du dispositif
Le président de la République a confirmé tout d'abord que le futur système de franchises devait contribuer au financement de la prise en charge des maladies liées au vieillissement, et notamment au plan Alzheimer, à la lutte contre le cancer et aux soins palliatifs – trois grands chantiers de l'Elysée. A l'origine, cependant, les franchises visaient à «responsabiliser les patients» et leur montant devait être modulé en fonction de l'évolution du déficit de la branche maladie.
Les consultations de médecine de ville et l'hôpital exemptés
Depuis qu'elles ont été introduites dans le programme présidentiel du candidat de l'UMP en janvier 2007, les modalités pratiques des franchises n'ont décidément jamais été gravées dans le marbre. Initialement, il s'agissait d'une franchise globale annuelle (de l'ordre de 100 euros, selon les premières estimations) portant sur l'ensemble des soins. Pendant la campagne électorale, son montant est devenu flou, tandis que le champ d'application de la mesure, lui, s'est précisé. En effet, Nicolas Sarkozy avait alors évoqué l'idée d'une quadruple franchise sur les principaux postes des dépenses d'assurance-maladie, à savoir : les consultations, l'hôpital, les analyses biologiques et les médicaments. A la fin mai, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, indiquait que la franchise sur chacun de ces quatre postes pourrait s'élever à «10euros par an et par foyer».
Mais le chef de l'Etat a finalement balayé d'un revers de main toutes ces fausses pistes pendant l'été. Nicolas Sarkozy attend désormais du gouvernement qu'il mette en place non pas quatre, mais trois types de franchises, calculées à l'acte et non plus annuelles. Exit l'hôpital et les consultations médicales. Le gouvernement a opté pour une franchise de 2 euros par recours aux transports sanitaires et deux autres franchises de 0,50 euro par boîte de médicament remboursable et par acte paramédical (effectué par les infirmières, kinés, orthophonistes, orthoptistes ou podologues). Médicaments, actes paramédicaux et transports sanitaires représentent les «postes de dépense les plus dynamiques», a justifié le ministère de la Santé dans un communiqué. Par ailleurs, la franchise de 50 centimes d'euro par boîte de médicaments est un vieux cheval de bataille de Bercy auquel l'ex-ministre de la Santé Xavier Bertrand s'était opposé à la fin 2005.
Comment les consultations et le secteur hospitalier se retrouvent-ils « épargnés » ? Parce qu'ils ont déjà trop donné, répond en substance le Dr Michel Chassang, leader du syndicat Csmf.
Outre le forfait de 1 euro, le forfait hospitalier, le forfait de 18 euros pour les actes techniques lourds, ainsi que les pénalités financières hors parcours de soins, pèsent déjà sur le « reste à charge » des patients lorsqu'ils sont hospitalisés ou consultent un médecin libéral. «Charger la barque» des actes médicaux par une franchise aurait induit un «risque d'entrave à l'accès aux soins», souligne le président de la Csmf, qui se montre donc soulagé d'avoir «été entendu sur ce point».
Plafonds et «bouclier sanitaire»
«Dix millions de personnes au total» seront exonérées du paiement des franchises, selon Roselyne Bachelot : les bénéficiaires de la CMU et de l'aide médicale d'Etat (AME), les enfants de moins de 16 ans et les femmes enceintes. Les franchises seront plafonnées à «50euros par an pour protéger les plus malades». Sur un seul mois, ce plafond équivaut à un peu plus de 4 euros. «Quelle est la personne qui ne peut pas payer 4euros par mois sur des objectifs [plans Alzheimer, cancer et soins palliatifs, ndlr] aussi importants? », interrogeait Roselyne Bachelot en août dans le journal « Sud-Ouest ». «De nombreuses personnes ne peuvent pas payer», lui a rétorqué la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés).
La mission confiée à Bertrand Fragonard et Raoul Briet (voir article ci-contre) doit permettre justement de mesurer la faisabilité d'un « bouclier sanitaire » en fonction des revenus. Ce bouclier sanitaire permettrait d'encadrer les nouvelles franchises et tous les autres restes à charge des patients (ticket modérateur, forfait hospitalier, forfait de 1 euro, franchise de 18 euros sur les actes techniques lourds…). En tout cas, certains restes à charge augmentent encore avec l'entrée en vigueur des premières mesures du plan de redressement de la Sécu : déplafonnement de la participation forfaitaire par acte à 4 euros par jour (contre 1 euro auparavant) depuis le début août, puis majoration du ticket modérateur de 40 à 50 % hors parcours de soins après décision de l'assurance-maladie en septembre.
Rendement attendu: 850millions d'euros
Les nouvelles franchises doivent permettre à l'assurance maladie d'économiser «850 millions d'euros» en année pleine, pronostique la ministre de la Santé dans un entretien au « Figaro ». Toutefois, le rendement réel pourrait être moindre, compte tenu de l'impact du futur bouclier sanitaire et des problèmes techniques posés notamment par la perception du demi-euro par boîte de médicament. La majeure partie des 2,6 milliards de boîtes vendues en France chaque année est délivrée en officine au patient en tiers payant. Or les pharmaciens, remboursés directement par les caisses d'assurance-maladie le plus souvent, refusent bien sûr d'être lésés financièrement et rechignent de même à servir de « caisses enregistreuses » afin que les patients s'acquittent des franchises sur leurs médicaments.
Des franchises remboursables en théorie
A la fin juillet, le président Sarkozy a souhaité que chaque franchise «puisse être prise en charge par les assurances complémentaires santé». Le remboursement des franchises par les mutuelles, les compagnies d'assurance ou les institutions de prévoyance «restera possible mais sera limité par un mécanisme de contrat responsable», a nuancé aussitôt le ministère de la Santé. En proposant une telle prise en charge, une complémentaire prendrait donc le risque de sortir du cadre des contrats responsables bénéficiant d'aides fiscales et sociales. Les complémentaires, qui doivent en discuter avec le ministère à la rentrée, pourraient considérer que perdre ces aides serait un peu trop cher payé.
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