LA MORTALITÉ cardio-vasculaire est globalement en augmentation depuis un siècle. Des disparités importantes selon les pays obligent toutefois à opposer les pays de l'Europe de l'Ouest, dans lesquels la mortalité cardio-vasculaire diminue, aux pays de l'Est, où elle augmente ou est très élevée. En France, où l'on dénombre 100 000 infarctus hospitalisés chaque année, 120 000 angioplasties coronaires et 25 000 pontages, il est attendu que les maladies cardio-vasculaires resteront la première cause de mortalité dans les vingt prochaines années et que leur prévalence augmentera avec l'âge.
Des progrès considérables.
Globalement, en Europe, selon les données de l'Organisation mondiale de la santé, les décès sont provoqués par des maladies cardio-vasculaires dans 31 % des cas et par des cancers dans 20 % des cas chez les hommes de moins de 65 ans, et de respectivement 30 et 31 % chez les femmes.
Les années de vie gagnées aux Etats-Unis entre les années 1970 et 2000 matérialisent l'importance des progrès réalisés : quatre dans le domaine des maladies cardio-vasculaires, contre moins de une pour les autres causes. Les progrès ont par exemple été manifestes en ce qui concerne la phase aiguë de l'infarctus du myocarde, dont la mortalité à cinq jours atteignait 8,3 % en 1995, contre 4,3 % en 2005. De la même manière, la mortalité annuelle de la maladie coronaire stable n'est que de 1,3 en 2007, contre 3,3 % en 1982.
Ces progrès s'expliquent notamment par la possibilité de stabiliser, voire de faire régresser, la maladie athéromateuse, comme l'ont montré les études REVERSAL (1) et ASTEROID (2).
En revanche, l'évolution des facteurs de risque est très préoccupante. Le « modèle » américain permet de s'en faire une excellente idée. Ainsi, pendant la décennie 1991-2001, l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie, le diabète et l'obésité ont progressé de manière significative. Le seul facteur de risque majeur qui ne progresse pas est le tabagisme. Il en va de même en France.
Lutter contre l'épidémie de diabète.
L'évolution récente du poids matérialise l'accroissement du risque, puisque la prévalence de l'obésité, définie par un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 30, est passée de 8,2 % en 1997 à 11,3 % en 2003. Toujours en France, l'évolution de l'indice de masse corporelle chez les patients cardiaques hospitalisés pour un infarctus entre 1995 et 2005 a également été très significative, passant de 25,9 ± 3,9 à 26,9 ± 4,7 kg/m2 (p < 0,0001).
Dans le même ordre d'idées, l'augmentation de la prévalence du diabète fait parler d'épidémie mondiale, dans les pays du tiers-monde tout comme dans les pays riches (3). Ainsi, aux Etats-Unis, chez les plus de 45 ans, entre1960 et 1990, la prévalence du diabète est passée de 2,6 à 7 %, ce qui correspond à une augmentation de 170 %. Concernant le tabagisme, la pratique en France tend à diminuer chez les hommes depuis les années 1980, depuis les années 2000 chez les femmes.
Mais des données récentes mettent en évidence l'émergence de nouveaux facteurs de risque. C'est notamment le cas de la pollution atmosphérique. Il avait déjà été démontré que la pollution dans les grandes villes est associée à une augmentation de la mortalité cardio-vasculaire. Il revient à K. A. Miller et coll. d'avoir étudié l'association entre l'exposition à long terme à de fines particules aériennes et la survenue d'événements cardio-vasculaires (4). Ce travail a porté sur 65 893 femmes ménopausées, sans antécédents de maladies cardio-vasculaires, issues de 36 régions métropolitaines des Etats-Unis. Cette cohorte de la Women's Health Initiative a fait l'objet d'un suivi d'une durée médiane de six ans.
Au moins un événement cardio-vasculaire, mortel ou non, a été constaté chez 1 816 femmes. Dans ce travail, une augmentation de 10 µg de particules par mètre cube était associée à une augmentation de 24 % du risque d'événement cardio-vasculaire, et à une augmentation de 76 % du risque de décès par maladie cardio-vasculaire.
Des mesures politiques.
La lutte contre les facteurs de risque passe par la prise de mesures « politiques », qui sont en général efficaces. Mais il est difficile d'obtenir l'adhésion de la population à des mesures individuelles et il persiste des incertitudes sur les mesures diététiques les plus appropriées. Le « polymeal », par exemple, propose d'associer vin, poisson, fruits, légumes, chocolat noir, ail et amandes (5).
Le concept de la « polypill », proposé en 2003, consiste en une association fixe de plusieurs médicaments à faible dose, chacun diminuant un peu le niveau de risque cardio-vasculaire (6). L'objectif serait de diminuer le risque cardio-vasculaire de plus de 80 % à l'échelle de la population entière. L'effet de l'un des composants, une faible dose de statine, a été évalué sur la mortalité dans une population à faible risque dans le cadre de l'étude MEGA (Management of Elevated cholesterol in the primary prevention Group of Adult japanese) (7). La diminution du risque relatif d'accident cardio-vasculaire et de mortalité est apparue comparable à celle que confère un traitement usuel, à dose thérapeutique, dans des groupes à plus haut risque. Dans l'avenir, il pourrait se révéler nécessaire d'adopter des mesures politiques fortes pour combattre les facteurs de risque, notamment les plus « nouveaux ». Des mesures médicamenteuses pourraient également être envisagées à l'échelle de la population. Le vaccin contre l'athérosclérose, enfin, reste une possibilité depuis que la « piste infectieuse inflammatoire » a été envisagée.
D'après la communication du Pr Nicolas Danchin, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
(1) Nissen SE et coll. Jama 2004 ; 291 : 1071-80.
(2) Nissen SE et coll. Jama 2006 ; 295 : 1556-65.
(3) King H et coll. Diabetes Care 1998 ; 2 : 1414-31.
(4) Miller KA et coll. N Engl J Med 2007 ; 356 : 447-458.
(5) Franco OH et coll. BMJ 2004 ; 329 : 1447-50.
(6) Wald NJ, Law MR. A strategy to reduce cardiovascular disease by more than 80 %. BMJ 2003 ; 326 : 1419.
(7) Nakamura H et coll. Lancet 2006 ; 368 (9542) : 1155-63.
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