DANS L'EVENTUALITÉ d'une nouvelle pandémie de grippe, l'évaluation à l'avance, par des simulations sur ordinateur, de l'efficacité des différentes interventions envisagées représente un outil d'aide à la décision pour les décideurs, afin de mieux planifier les mesures de prévention et de contrôle. Dans ce contexte, des modèles mathématiques sont mis en œuvre pour simuler le développement d'une pandémie et mesurer (virtuellement) l'impact des différentes mesures de santé publique.
Un outil mathématique.
Nous développons actuellement un outil mathématique flexible pour étudier l'impact de telles stratégies sur la diffusion spatio-temporelle d'une pandémie de grippe, dont voici les premiers résultats. Le modèle que nous utilisons est une variante améliorée d'un modèle déterministe à quatre compartiments SEIR (susceptibles -> exposés -> infectieux -> retirés de la chaîne de transmission) publié dans des travaux antérieurs (1, 2). Au niveau local, l'épidémie est simulée à l'aide d'un set d'équations pour chacune des cinquante-deux grandes villes du monde considérées dans notre approche.
Après l'apparition des premiers cas dans une des villes de notre réseau, la diffusion de l'épidémie à travers le monde est rendue possible grâce à une matrice connectant les cinquante-deux villes et reproduisant les flux des transports aériens (données de 2000). Notre modèle prend en compte quatre mesures de prévention et de contrôle : 1) l'isolement dans chaque ville des individus infectieux, pour limiter le nombre de personnes capables de transmettre la maladie ; 2) la réduction des flux aériens, pour limiter la diffusion entre les différentes villes ; 3) l'utilisation d'antiviraux, à titre prophylactique ou curatif, pour diminuer la période d'infectiosité et le taux de contact ; 4) la vaccination, pour réduire la proportion de susceptibles dans la population. Toutes ces interventions ont été modélisées spécifiquement pour chaque ville, séparément ou simultanément. Elles ont été mises en œuvre à partir d'une date donnée ou lorsque le seuil épidémique du nombre de cas de grippe rapportés a été dépassé. Leur impact a été étudié par rapport à une éventuelle diminution du nombre global de cas, de mortalité et un retardement de l'apparition de l'arrivée de la pandémie dans chaque ville.
Comme exemple de simulation, nous avons considéré une pandémie causée par une nouvelle souche virale pour laquelle la population est considérée comme totalement susceptible, ayant un taux d'attaque de 25 % (calculé sur les cas symptomatiques) et démarrant en novembre d'une ville d'Asie du Sud-Est. En l'absence de toute mesure, une telle pandémie provoquerait aujourd'hui à travers le monde, en moins de six mois, près de 1,5 milliard de cas et entre 8 millions de morts, si on considère un taux de mortalité proche de celui de la pandémie de 1968-1969, et
32 millions, si la souche était d'une virulence voisine de celle de la grippe espagnole de 1918. Rappelons que la grippe cause entre 250 000 et 500 000 décès chaque année (en période interpandémique).
Isolement de 10 % des individus infectieux.
Dans le cas d'une souche très virulente (taux de mortalité de 2 %), l'isolement quotidien de 10 % des individus infectieux couplé avec la réduction de 60 % des transports aériens, appliqués dans toutes les villes dès l'apparition des premiers cas, pourraient diminuer le nombre global de cas de 60 %. La vaccination, étant supposée efficace à 70 % et administrée à 50 % de la population susceptible, ajoutée aux deux premières mesures envisagées ainsi qu'à l'utilisation d'antiviraux pendant cinq jours chez 60 % des malades dès l'apparition des cas index, réduirait de 90 % le nombre de cas par rapport au scénario sans interventions. Nos simulations montrent que les interventions sont complémentaires, aucune des mesures n'étant complètement efficace lorsqu'elle est appliquée seule. Toutefois, ces résultats doivent être considérés avec précaution, notre modèle permettant davantage de comparer l'efficacité relative des différentes stratégies de contrôle que de proposer des valeurs absolues de réduction du nombre de cas.
(1) Rvachev L, Longini Jr. IM. A Mathematical Model for the Global Spread of Influenza. « Math Biosci », 1985 ; 75 : 3-22.
(2) Grais RF, Ellis JH, Glass GE. Assessing the Impact of Airline Travel on the Geographic Spread of Pandemic Influenza. « Eur J Epidemiol », 2003 ; 18 (11) :1065-1072.
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