DE NOTRE CORRESPONDANTE
CIBLER les clients des prostituées pour une campagne de prévention du sida, la démarche est peu courante. C'est pourtant le choix qu'ont fait une association lilloise et la Ddass du Nord pour endiguer l'augmentation importante du nombre de rapports non protégés.
La campagne a démarré hier à Lille : des affiches ont été placardées sur 130 bus de la métropole pour inviter les clients des prostituées à plus de prudence en matière de transmission du VIH. « Clients, ne jouez pas à la roulette russe », « Le port du préservatif ne se marchande pas », « Une femme est deux fois plus susceptible que les hommes de contracter le sida lors d'un premier rapport non protégé » : tels sont les trois messages de cette campagne organisée par Entr'actes*, un programme d'actions menées en direction des prostituées.
« C'est la croissance importante du nombre de rapports non protégés qui nous a conduits à lancer cette campagne », explique Vincent Dubaele, directeur du Groupement de Prévention et d'Accueil lillois.
De plus en plus de violence.
Grâce à une antenne mobile qui sillonne les rues de Lille chaque soir, pour proposer des préservatifs, des kits-seringues et un peu de répit, cette association est en contact régulier avec 250 prostituées du centre-ville. Les témoignages rapportés par ces femmes attestent d'une violence accrue des clients et d'une demande croissante de rapports non protégés. Un homme sur trois en ferait la demande.
« La loi sur la sécurité intérieure de M. Sarkozy a transformé les prostituées en délinquantes. Dans l'esprit des clients, elles sont encore un peu plus dévaluées, et ils peuvent donc les modeler un peu plus au gré de leurs fantasmes, analyse Vincent Dubaele. Harcelées par la police et les bandes de jeunes qui les rackettent fréquemment, elles sont cernées par la violence. Dans ce contexte, elles sont plus enclines à céder aux pressions insistantes des clients. » Pour l'association, la loi de 2003 et le climat anxiogène qu'elle a créé anéantissent tout le travail mené depuis plusieurs années. « Plongées dans la clandestinité, les prostituées sont aujourd'hui difficile à rencontrer. Cette perte de lien est tout à fait préjudiciable au travail de prévention que nous essayons de faire. »
D'où la campagne de sensibilisation lancée cette semaine. En optant pour un affichage sur les bus, l'association a choisi de viser le grand public « parce que les clients des prostituées se recrutent dans tous les milieux et toutes les classes d'âge. Ce sont des M. Tout-le-Monde ! »
Soutenue par le service prévention de la Ddass du Nord et Sida Info Service, la campagne d'affichage sera complétée par la diffusion de 3 000 plaquettes, assurée par les prostituées auprès de leurs clients. Des documents qui sont avant tout informatifs sur les risques de transmission du VIH. « Il n'est pas question pour nous de stigmatiser les clients des prostituées, mais de faire passer un message : "Ne mettez pas en danger la vie d'autrui". »
* Tél. 03.20.55.64.66.
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