C'est nourrie de son expérience de psychologue clinicienne au sein d'une équipe de soins palliatifs et après avoir rencontré de nombreuses personnes concernées que Marie de Hennezel a rédigé le rapport de la mission « Fin de vie et accompagnement » que lui a confié Jean-François Mattei il y a un an. Elle le lui a remis au lendemain du verdict du procès Malèvre, auquel elle a témoigné.
Le ministre souhaitait, dans ce cinquième rapport sur le thème depuis 1986, non pas des recommandations sur l'opportunité ou non de légiférer, mais « des réponses autres que normatives » aux problèmes posés par la fin de vie. Le rapport Hennezel, intitulé « Le devoir de non-abandon », répond toutefois aussi aux arguments de ceux qui souhaitent une législation sur l'euthanasie.
Un terme à éviter, selon la psychologue, pour qui il faut bien distinguer trois pratiques de fin de vie : la limitation et l'arrêt des thérapeutiques actives, les soins palliatifs et l'acte délibéré de provoquer la mort.
Une campagne de communication
Il faut, dit-elle, remettre la question de l'intention au cœur du débat éthique : « Que fait-on et pourquoi le fait-on ? Quel sens donne-t-on à un acte ? » Et parce que le débat actuel se nourrit de peurs (de mourir dans des souffrances extrêmes, insoulageables, de la dépendance et de la déchéance, de la solitude et de l'abandon) et « d'idées déjà dépassées » (notamment celle « que les soins palliatifs ne parviendraient pas à soulager les douleurs extrêmes », alors qu'ils ont fait « d'immenses progrès »), elle préconise une campagne de communication. Elle passerait par l'organisation d'états généraux de la fin de vie, l'institution d'une journée nationale de l'accompagnement et surtout la création d'un Numéro Vert pour écouter, informer et orienter.
Marie de Hennezel regrette qu'on présente toujours « le temps du mourir comme un temps pénible, inutile, dépourvu de sens dès lors qu'il n'y a pas d'espoir de guérison », alors que cela peut être selon elle « un temps fort, marqué par une dynamique relationnelle surprenante dont l'enjeu est aussi important pour celui qui meurt que pour son entourage ».
Les soins palliatifs, il faut aussi et surtout les diffuser auprès des soignants. « Ce sont leurs pratiques qui sont en cause, dit le rapport, et qui motivent, selon certains, le recours éventuel à une législation. » La conférence de consensus qui aura lieu en janvier devrait permettre de dégager « un socle commun de valeurs » sur lequel les soignants pourront s'appuyer dans leur pratique. Le jury répondra à cinq questions, la dernière permettant d'aborder la demande de mourir.
Le rapport préconise l'implantation dans chaque CHU d'une unité de soins palliatifs qui puisse assurer une triple mission, clinique (prise en charge des fins de vie particulièrement difficiles, comme les SLA), de formation et de recherche, ce qui est déjà une priorité. Il suggère la diffusion le plus large possible de la démarche palliative au sein des services confrontés à la mort de leurs patients, avec un référent soins palliatifs, l'intégration dans l'équipe d'un psychologue, un soutien pour les soignants, l'ouverture des services aux bénévoles d'accompagnement et des règles assouplies pour l'accès des familles. Pour les services confrontés aux situations limites, c'est un « staff d'éthique » qui serait nécessaire, animé par une personne formée en conséquence et qui puisse aider les équipes dans le processus de prise de décision et la mise en œuvre de cette décision.
Quant aux personnes qui souhaitent mourir chez elles, Marie de Hennezel propose un forfait de 3 à 5 séances avec un psychologue, sur le modèle de ce qui est proposé dans le Plan cancer.
La formation en soins palliatifs est pour la psychologue « la priorité des priorités ». Une reconnaissance universitaire de l'enseignement comme spécialité valoriserait les soins palliatifs. Ils doivent avoir leur place dans les études médicales, avec une réflexion théorique mais aussi un stage obligatoire de quelques jours dans un service de soins palliatifs. Il faut aussi former les formateurs, développer la réflexion éthique avec des séminaires, un espace éthique, une cellule de réflexion éthique. Les auxiliaires de vie devraient de même être formées et le rapport envisage également des formations techniques et psychologiques pour les familles.
L'entretien de fin de vie
La formation est indispensable parce que « trop de médecins aujourd'hui ne savent pas communiquer avec leurs malades ». Alors que, en dialoguant avec leurs malades en fin de vie, ils peuvent, selon Marie de Hennezel, les rassurer « et surtout s'engager à ne pas les abandonner ». Elle préconise une campagne d'information en direction des médecins, et notamment des généralistes, pour les inciter à se former à « l'entretien de fin de vie » : une manière de délivrer une information qui permette au malade « de se réapproprier sa mort et d'envisager les conditions de son mourir ».
Enfin, pour les soignants confrontés à des situations limites, le rapport propose des pistes pour encourager les réanimateurs à plus de transparence, tout en limitant les risques qu'ils pourraient courir. Dans cet esprit, il serait proposé à l'Ordre un élargissement des articles 37 et 38 du code de déontologie pour renforcer les principes d'intentionnalité et du double effet.
Et la psychologue de conclure en se prononçant contre la loi : « Ce n'est pas une loi qui amendera les consciences, ni qui diminuera la solitude des médecins confrontés à des fins de vie difficiles. Par contre, on peut craindre qu'elle freine les efforts des soignants pour améliorer leur pratique, pour la penser, pour inventer une manière d'être humble et humaine auprès de ceux qu'on ne peut plus guérir. »
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