Le Dr Marie-Claude Guétari-Vareilles, ophtalmologiste dans les Yvelines, a cru sincèrement faire une bonne affaire en août dernier : en commandant des ordonnances sécurisées au prix des ordonnances ordinaires, elle allait pouvoir économiser quelques deniers qu'elle pourrait consacrer à d'autres emplettes. Mais quatre mois après, elle attend toujours que la société Prodif, installée en Normandie, lui livre ses ordonnances. Près de se trouver en rupture de stock, elle a même dû se résoudre à se réapprovisionner auprès d'autres fournisseurs.
Et la colère du Dr Guétari-Vareilles est même montée d'un cran, lorsqu'elle a reçu une nouvelle publicité de Prodif lui proposant, une nouvelle fois, des ordonnances à des prix imbattables et en lui faisant surtout miroiter un cadeau somptueux, un téléviseur 16/9e, si elle commandait à temps, et si elle était tirée au sort. « C'est d'autant plus inacceptable, s'insurge-t-elle, que lorsque j'ai téléphoné à plusieurs reprises à cette société, on m'a, à chaque fois, affirmé qu'on allait régler le problème, puis que l'on me rembourserait mes 1 300 F, avant de me dire, une dernière fois, que l'on ne savait pas quand ce remboursement aurait lieu. C'est une véritable escroquerie et il n'est pas possible d'accepter cette publicité sans réagir. »
Toutes les commandes seront honorées
Ce spécialiste de Nancy, qui tient, lui, à garder l'anonymat (car, dit-il, il a engagé une action judiciaire contre Prodif), a vécu la même affaire, ou presque, avec la même société. Son chèque de 825 F a été débité le 25 septembre dernier, et il n'a toujours pas reçu ses ordonnances, ordinaires, qu'il avait commandées lui aussi à un prix défiant tout concurrence. « J'aurais tiré un trait sur cette affaire, explique-t-il, si je n'avais reçu une publicité promettant réductions de prix et cadeaux en cas de commande. On ne peut rester sans réagir. Il faut prévenir les médecins de ces pratiques plus que douteuses. »
Un troisième médecin, qui exerce dans l'ouest de la France, et qui, lui aussi, veut rester discret, raconte que « jamais personne dans la société Prodif n'a daigné répondre » à ses questions. A chaque fois, dit-il, « je suis tombé sur un répondeur, et jamais on ne m'a rappelé ». Des faits troublants, d'autant que Prodif n'est pas une société nouvelle totalement inconnue, qui n'avait guère fait parler d'elle, jusqu'alors.
Contacté par « le Quotidien », le directeur général des ventes de cette société, Didier Maréchal, reconnaît certains problèmes. « Mais, affirme-t-il, nous nous engageons à les régler au plus vite et je puis vous assurer que tous les médecins en retard de livraison recevront leurs commandes avant le 15 janvier. Nous mettons aujourd'hui les bouchées doubles pour arriver à ce résultat, maintenant que nous avons surmonté toutes nos difficultés. »
Des problèmes qui consistent tout simplement en la mise en règlement judiciaire de la société. Prodif, en butte à des problèmes et à des conflits internes importants, s'est trouvé en cessation de paiement, mais a été autorisé à poursuivre son activité, sous contrôle. « Le plus dur est derrière nous », insiste encore Didier Maréchal, qui demande aux médecins de la patience. « Nous avons eu aussi des difficultés d'approvisionnement de papier sécurisé, que nous avons surmontées, et nous traitons aujourd'hui chaque jour les commandes de soixante médecins. Nous espérons donc résorber rapidement notre retard. » Quant à l'accusation d'escroquerie lancée par certains praticiens, Didier Maréchal la réfute fermement. « Toute commande de médecin sera honorée, insiste-t-il, et nous pourrions même consentir un geste commercial. »
Des arguments qui ne convainquent pas toujours les médecins qui mettent en avant la désinvolture, dont a souvent fait preuve, selon eux, la société à leur égard, lorsqu'ils demandaient des explications.
Et ils se souviennent aussi du précédent d'Ordo +, cette société d'ordonnances qui multipliait les campagnes de promotion, et les prix attractifs, avant d'être finalement mise en liquidation judiciaire par le tribunal de Senlis, dans l'Oise (voir « le Quotidien » du 19 juin 2000). De nombreux médecins avaient alors été lésés. Aujourd'hui, leurs confrères craignent, malgré les propos rassurants de Didier Maréchal, de revivre la même histoire.
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