Permanence des soins dans le Nord-Pas-de-Calais

Des médecins entrent en résistance pour poursuivre les gardes de nuit profondes

Publié le 16/02/2015
Article réservé aux abonnés

Autres temps, autres mœurs. Dans les années 2000, les médecins se mettaient en grève contre la permanence des soins (PDS) obligatoire et non rémunérée. Aujourd’hui, d’autres praticiens assurent des gardes de nuit sans percevoir d’astreinte et se mobilisent pour pérenniser cette tranche horaire de la nuit profonde (entre minuit et 8 heures).

Dans le Nord-Pas-de-Calais, l’Agence régionale de Santé (ARS) décidait début 2013 d’en finir avec les gardes aux heures profondes de la nuit. Devant la réticence des médecins effecteurs de terrain (tant urgentistes que libéraux), elle mettait en place une expérimentation reposant sur le volontariat, consistant à créer pour cette tranche horaire 7 grands secteurs de garde. Toute la nuit, un médecin effecteur volant sillonnait chacun d’eux, sur régulation préalable du 15, avec une astreinte de 450 euros par nuit – un montant élevé en regard des montants habituels.

« Le cahier des charges de cette expérimentation était très restrictif, regrette le Dr Patrice Cocqueel, patron de l’Association régionale des médecins effecteurs de nuit du Nord-Pas-de-Calais (ARMEN 59-62). Le médecin ne pouvait intervenir que si le patient était une personne âgée ou en HAD, ou encore socialement précaire ».

À l’ARS, Serge Morais, directeur de l’offre de soins, dément tout critère restrictif. « Nous n’avons pas empêché les interventions sur d’autres publics », plaide-t-il. Selon lui, les plus de 75 ans n’ont représenté que 10 % de la patientèle prise en charge.

L’expérimentation s’est achevée en septembre 2014, au bout de 17 mois, et n’a pas été reconduite, faute d’un volume d’actes suffisants. Les statistiques de l’ARS parlent d’elles-mêmes : 1,7 acte par nuit sur l’ensemble des secteurs, soit 1 853 euros par acte rien que pour le montant des astreintes versées, hors prix de l’acte et de ses majorations ! Plus cher que l’intervention d’un véhicule SMUR. « Pas étonnant, avec des conditions de mise en œuvre aussi restrictives, analyse le Dr Cocqueel. C’est l’hôpital qui a remporté la mise ». Serge Morais assure, lui, que sur les bases des résultats de l’expérimentation, « toutes les instances (libérales ou non) intervenant dans la PDS se sont prononcées pour l’arrêt des gardes en nuit profonde ».

Une poignée d’irréductibles

L’ARMEN ne baisse pas les bras pour autant. Forte d’adhérents motivés, mais sans l’aval de l’ARS, elle a repris les gardes de nuit sur trois gros secteurs : celui de Lille-Roubaix-Tourcoing, du Valenciennois, et de l’ancien bassin minier. Les effecteurs n’interviennent que sur régulation préalable, ne touchent plus l’astreinte de 450 euros par nuit, mais continuent de facturer les majorations pour acte de PDS régulé en nuit profonde.

« Nous demandons à l’ARS de revenir sur sa décision, comme le prévoit d’ailleurs le cahier des charges régional », continue Patrice Cocqueel. Le praticien est d’ailleurs prêt à négocier une astreinte d’un niveau plus modeste, « autour de 200 euros ». À ce prix, assure-t-il, une bonne vingtaine de praticiens membres de l’association est prête à s’investir durablement dans la PDS aux heures profondes de la nuit.

Serge Morais s’en tient à sa décision. Il n’empêche cependant pas les généralistes « de continuer à se mobiliser, comme le fait déjà SOS sur certains territoires ». Plus question de percevoir l’astreinte, mais les praticiens peuvent continuer à facturer les majorations d’actes de PDS de nuit régulés, ce qui porte selon lui la valeur de ces actes à environ 73 euros.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du Médecin: 9387