LA LUTTE contre les infections nosocomiales est une priorité depuis une quinzaine d’années en France. La dernière enquête nationale de prévalence (ENP), réalisée en 2001, estime leur taux entre 5 et 7,2 % de l’ensemble des infections. Donnée qui devrait être bientôt actualisée grâce à la nouvelle enquête prévue dans les hôpitaux entre le 29 et le 30 juin. Mais peu de données existent quant à l’ampleur du phénomène en médecine de ville.
L’enquête publiée dans le « BEH » n° 14/2006, par Pierre Girier, Yves Zerbib et Marie-France le Goaziou (université Claude-Bernard de Lyon), démontre, malgré ses limites, les difficultés spécifiques des médecins quant au suivi des recommandations d’hygiène au cabinet.
Des guides de bonnes pratiques.
Conduite sous l’égide du département de médecine générale et du Collège des enseignants généralistes de Lyon, son premier objectif était de mesurer le risque de contamination des matériels par des bactéries multirésistantes au cabinet du praticien. Mais, indiquent les auteurs, «il nous a semblé opportun de l’étendre aux connaissances et attitudes des médecins vis-à-vis de l’hygiène quotidienne lors des soins ambulatoires». Les guides de bonnes pratiques édités par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité en 1999 et celui de la Santé en 2004 ont été utilisés comme référence. Ils préconisent, pour l’installation : la présence d’un lavabo dans la salle d’examen, avec du savon liquide ordinaire et du savon antiseptique ; l’utilisation d’essuie-mains à usage unique, d’une poubelle ouverte ou à pédale.
L’enquête, réalisée entre le 22 septembre 2003 et le 2 février 2004, a comporté deux volets, l’un bactériologique, l’autre comportemental. Trois prélèvements ont été effectués au cabinet des médecins (sur la main, sur le stéthoscope et sur le brassard à tension) lors d’un rendez-vous d’une quinzaine de minutes au cours duquel leur a été soumis un questionnaire sur leurs comportements et leurs connaissances en matière d’hygiène.
Réticence des médecins.
Les enquêteurs ont dû faire face à la réticence des médecins, du fait sans doute de la réalisation des prélèvements. Un faible nombre a accepté de participer : à partir d’un tirage au sort de 385 médecins, 36 seulement ont accepté, les 4 autres étant des maîtres de stage particulièrement intéressés. «Le fait que les participants, même tirés au sort, aient été tous volontaires introduit un biais de sélection», conviennent les auteurs.
Des enseignements peuvent cependant être tirés. Des bactéries pathogènes ont été retrouvées dans les cabinets de médecine générale. Les prélèvements se sont révélés positifs dans 14 cas sur 150, correspondant à 10 cabinets sur 50. Dans sept d’entre eux, un seul prélèvement a été positif (les mains pour cinq, le stéthoscope et le brassard à tension pour les deux autres), dans deux autres cas, deux prélèvements sont revenus positifs (tous les deux sur du matériel). Les trois prélèvements ont été positifs pour un seul des cabinets. Les bactéries isolées étaient Staphylococcus aureus sur les mains, les brassards et trois stéthoscopes, et Enterobacter cloacae sur un stéthoscope. Cependant, font observer les auteurs, «aucun de ces germes ne présentait de multirésistance», alors que les recommandations d’hygiène ont été partiellement appliquées.
Si tous les médecins avaient un lavabo dans leur cabinet, pour vingt d’entre eux il était installé en dehors de la salle d’examen, alors que trente-deux n’avaient pas les savons recommandés, trente et un utilisaient une serviette en tissu et quatre, une poubelle à ouverture manuelle. «L’installation nécessaire au lavage des mains n’est pas en adéquation avec les recommandations», même si la quasi-totalité des médecins (98 %) «font une hiérarchie des dangers potentiels de leur exercice et prennent des mesures d’hygiène adaptées à la situation du patient et du geste», notent les auteurs.
Des recommandations à adapter.
Seulement 20 et 34 % d’entre eux se lavent les mains de manière systématique avant et après un examen. Tous se les lavent après et certains (3) jamais avant un examen. La fréquence du lavage augmente avec le risque infectieux : 66 % (33) se lavent les mains avant d’examiner un patient immunodéprimé, ils sont 84 % (42) à le faire avant une injection sous-cutanée ou intramusculaire et 98 % (49) après un geste potentiellement contaminant, comme se moucher ou aller aux toilettes. L’hygiène du matériel, quant à elle, n’est pas conforme aux recommandations issues des pratiques hospitalières, qui précisent que «les stéthoscopes et les brassards de tension doivent être désinfectés après chaque examen avec un produit désinfectant à activité bactéricide, ce qui paraît peu réalisable en pratique», notent les auteurs. «Il serait bienvenu», poursuivent-ils, de les adapter à la pratique ambulatoire. Une désinfection ciblée des outils en fonction des risques et de la situation des patients semble plus appropriée.
Les auteurs souhaitent que des actions de prévention en milieu ambulatoire soient menées et que ce type d’enquête soit réalisé dans différents milieux avec un plus grand nombre de médecins.
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