Allergies et réactions aux parfums

Des mécanismes immunologiques, irritatifs et photosensibilisation

Publié le 31/05/2007
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Les parfums sont les premiers allergènes des produits cosmétiques. Ils peuvent entraîner des réactions diverses par des mécanismes immunologiques, irritatifs, ou bien par photosensibilisation. Le seul traitement est l'éviction de l'allergène, qui est souvent difficile. Le point avec le Dr Annick Pons-Guiraud.

LES MOLECULES parfumantes sont omniprésentes dans notre environnement. On les retrouve dans les produits cosmétiques, mais aussi dans les produits d'hygiène corporelle, les produits ménagers, l'aromathérapie et l'alimentation (arômes alimentaires, épices). Ils sont également présents dans certains traitements médicamenteux, comme les sirops. La sophistication des produits, l'engouement pour l'aromathérapie et les huiles essentielles augmentent le risque de sensibilisation et la possibilité de voir apparaître des allergènes nouveaux.

La législation européenne a récemment établi la liste des vingt-six molécules les plus sensibilisantes et limité leur usage à des concentrations bien définies selon les produits et leur usage. La concentration autorisée varie selon que le produit est de type rincé ou non. Pour les produits rincés, la concentration seuil est de 100 ppm, alors qu'elle est de 10 ppm pour les produits non rincés. Les deux molécules les plus sensibilisantes sont le l'hydroxyisohexyl 3-cyclohexene carboxaldéhyde, plus connu sous le nom de Lyral et l'isoeugénol. Les produits contenant ces molécules doivent obligatoirement être signalés au public. Le nom de ces molécules et leur concentration doivent ainsi être présents sur l'emballage du produit.

Atopiques ou non.

Plusieurs mécanismes peuvent être en cause dans les réactions aux parfums. Il peut s'agir d'une allergie à une des molécules parfumantes du produit. La sensibilisation peut survenir aussi bien chez des sujets atopiques que chez des sujets non atopiques.

Le mécanisme est immunologique, secondaire à la sensibilisation à la molécule. L'hypersensibilité peut être immédiate ou retardée. Les réactions d'hypersensibilité retardée sont les plus fréquentes. Elles se traduisent souvent par un eczéma de contact. Les réactions d'hypersensibilité immédiate (urticaire) sont beaucoup plus rares. Il faut savoir que les voies de sensibilisation aux molécules parfumantes sont très variées. L'allergie peut être due à l'application directe du produit sur la peau. Les lésions sont souvent localisées au visage, au cou et aux creux axillaires. La sensibilisation peut aussi se faire par voie manuportée (eczéma des paupières) ou aéroportée (sprays et vaporisateurs). Des cas d'allergie par procuration, due à un produit utilisé par une tierce personne, telle que le conjoint, ont également été rapportés. Des réactions autres que les allergies sont possibles. Les parfums peuvent entraîner des réactions par un mécanisme irritatif. Contrairement aux allergies, ce mécanisme ne fait pas intervenir de réaction immunologique. Les deux principaux agents irritatifs sont l'alcool et les aldéhydes. Ces réactions irritatives sont possibles avec les produits déodorants, les lingettes démaquillantes ou encore les produits de toilette intime. Il faut également y penser lors d'irritation survenant chez un bébé après utilisation de lingettes parfumées. Enfin, le troisième mécanisme possible est la photosensibilisation qui se traduit par un érythème. L'huile de bergamote est particulièrement photosensibilisante.

Eléments diagnostiques.

Le diagnostic est difficile en raison du polymorphisme des réactions cliniques. L'interrogatoire est essentiel et doit rechercher tous les allergènes possibles dans l'environnement du patient. Il faut faire préciser au patient les produits cosmétiques qu'il utilise. On lui demandera d'apporter les produits pour examiner leur composition et pour les tester sur le patient. Il faut également interroger le patient sur les produits ménagers utilisés, la prise éventuelle de médicaments, l'utilisation d'huiles essentielles. Enfin, on recherchera une exposition professionnelle. Le Dr Pons-Guiraud rapporte le cas d'un patient vendeur de produits exotiques qui se présentait avec des lésions unguéales et digitales. Le bilan a révélé que ces lésions étaient liées à la manipulation d'épices dans son environnement professionnel.

Le bilan allergologique peut aider au diagnostic positif. Les épidermotests sont la base du bilan allergologique, avec, comme principal test, le « fragrance mix ». Ce test est composé d'un mélange des molécules le plus fréquemment responsables d'allergie. Le test fragrance mix II est un nouveau mélange contenant le Lyral, molécule fortement sensibilisante. En plus de ce test, on pourra réaliser un épidermotest au baume du Pérou. En cas de test fragrance mix positif associé à un test au baume du Pérou positif, on recherchera une allergie aux épices. Il est également important de tester les topiques parfumés et autres produits apportés par le patient (huiles essentielles, par exemple). Le traitement des allergies et des réactions aux parfums repose sur l'éviction de l'allergène en cause. Il faut bien préciser au patient de consulter l'emballage des produits pour vérifier leur composition. Toutefois, l'éviction indispensable des molécules parfumantes chez un patient sensibilisé est toujours délicate et incomplète. Ainsi, les réactions cliniques, en raison de leur polymorphisme et du nombre de voies de sensibilisation possibles, sont encore difficiles à juguler.

D'après la communication orale du Dr Annick Pons-Guiraud, dermatologue, Paris.

> Dr ISABELLE PITROU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8176