La résistance aux antibiotiques est un problème croissant dans de nombreux pays du monde. Les données actuelles concernent en particulier la diffusion en milieu communautaire de souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline (Sarm) et de bactéries à gram négatif produisant des bêtalactamases à large spectre (Esbl). Cette diffusion s’accompagne d’un développement de la multirésistance aux antibiotiques, la résistance aux macrolides et aux quinolones augmentant au sein de nombreux types de bactéries.
L’EMERGENCE d’infections communautaires à Sarm est apparue rapidement en Amérique du Nord il y a quelques années. Au sein des différents clones existants, de nombreuses souches sont productrices de la toxine de Panton-Valentine, cytotoxine capable de détruire les leucocytes et d’induire une nécrose tissulaire.
La résistance aux macrolides est courante, elle fait appel à plusieurs mécanismes, le plus fréquent étant l’acquisition d’un gène codant pour un système de pompe à efflux qui rejette les macrolides hors de la cellule bactérienne avant qu’ils ne puissent intervenir au niveau des ribosomes.
Autre mécanisme de résistance acquise, développé par les bactéries à gram positif ( S.aureus, staphylocoque coagulase négatif, Streptococcus pneumoniae et streptocoques du groupe A) : la production d’une enzyme qui méthyle le site d’action des macrolides et confère à la bactérie une résistance croisée à deux autres classes d’antibiotiques qui agissent en se liant en partie à ce même site, les lincosamides (clindamycine et lincomycine) et la streptogramine de type B (d’où le nom de résistance Mlsb).
La résistance est transmise par des plasmides. Son expression phénotypique peut être de deux types : constitutif, elle s’exprime alors de façon permanente, rendant la bactérie d’emblée insensible, ou inductible, requérant la présence de l’antibiotique pour s’exprimer.
Dans ce cas, en l’absence de l’antibiotique, la méthylase code un ARNm avec une séquence promotrice de nucléotides qui déstabilise le complexe ARMm-ribosome, inhibant la translation. Présents, les macrolides (mais pas les lincosamides) peuvent se lier à cette séquence et modifier la conformation de l’ARNm de telle sorte que la translation puisse s’effectuer. La présence ou l’absence de ce gène inductible est à la base d’un test microbiologique. La positivité du test indique, d’une part, que la résistance aux macrolides est due à la présence de ce gène de la méthylase inductible et, d’autre part, que des mutations potentielles de la séquence promotrice peuvent survenir, permettant à une sous-population de cellules d’exprimer de façon constitutive la méthylase.
Production de bêtalactamases.
De nombreuses bêtalactamases ont été identifiées et sont classées selon leur homologie structurale ou leurs similarités fonctionnelles. Le terme d’Esbl (bêtalactamases à large spectre) est en règle générale utilisé pour désigner une bêtalactamase entraînant une résistance vis-à-vis des pénicillines, des trois premières générations de céphalosporines et de l’aztréonam. Le céfépime et les carbapénèmes restent en général actifs, même en présence d’Esbl, bien que certaines bêtalactamases soient capables d’hydrolyser la céfépime (en particulier celles produites par E.coli et Klebsiella pneumoniae). A l’hôpital, la plupart des souches bactériennes résistantes sont productrices de bêtalactamases à large spectre. Des carbapénèmases existent dans des réservoirs naturels, mais ne représentent pas encore un réel problème.
La résistance aux bêtalactamines peut également être le fait d’altérations des protéines de liaison aux pénicillines (PLP) qui permettent à l’antibiotique de pénétrer dans la bactérie cible pour y exercer ses effets. C’est le premier mécanisme de résistance des pneumocoques à la pénicilline et des SARM aux bêtalactamines en général. Ce mécanisme peut également jouer un rôle dans la résistance aux carbapénèmes de certaines espèces d’Acinetobacter et d’entérobactéries.
Au fur et à mesure que l’utilisation des quinolones s’intensifiait, la résistance à cette classe d’antibiotiques progressait dans le monde, en particulier de certaines souches de salmonelles et de variants pathogènes d’ E.coli. Récemment, on a observé dans certains pays une résistance de gonocoques aux quinolones.
En règle générale, cette résistance résulte de mutations progressives de gènes codant pour les enzymes topo-isomérases de type 2, ADN gyrase et topo-isomérase IV.
Une résistance aux quinolones fondée sur le mécanisme de pompe à efflux a récemment été décrite chez des peumocoques.
La multirésistance aux antibiotiques de certaines souches de Pseudomonas aeruginosa est une cause importante de morbidité chez les patients atteints de mucoviscidose et ceux dans un état critique. Ces souches bactériennes développent différents mécanismes de multirésistance, dont l’activation dépend du type de milieu de croissance de la bactérie. Ainsi, les souches de P.aeruginosa sont pratiquement toutes résistantes à l’azithromycine en milieu de croissance liquide, alors que certaines, implantées dans un biofilm, sont sensibles aux concentrations atteintes cliniquement.
Une utilisation plus raisonnée.
Dans le passé, les stratégies de défense vis-à-vis de la résistance aux antibiotiques reposaient essentiellement sur la mise au point de nouvelles molécules. Durant ces dix dernières années, le développement d’agents antimicrobiens a diminué, bien que les publications concernant le problème de résistance soient de plus en plus alarmantes. A ce jour, les mesures les plus efficaces dans ce combat restent une utilisation plus raisonnable des antibiotiques (campagnes de santé publique de sensibilisation et diminution de l’usage des antibiotiques dans la production industrielle d’aliments pour animaux) et le respect plus strict des mesures d’isolement concernant les patients porteurs de certaines souches résistantes.
Par ailleurs, la réhabilitation de certains anciens antibiotiques abandonnés est en cours. C’est le cas de la polymyxine B qui constitue la dernière ligne de défense contre certaines souches multirésistantes de P. aeruginosa et de A.baumannii.
D’après la communication de Charles R. Woods (Winston-Salem, Caroline du Nord).
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