UNE ÉQUIPE d’obstétriciens de Boston propose un nouvel outil de dépistage de la prééclampsie. Ils se fondent sur l’analyse du taux de différents facteurs agissant sur l’angiogenèse dans le sang maternel. Pour arriver à cette conclusion, les obstétriciens ont procédé à une analyse rétrospective des sérums de 72 femmes qui ont souffert de prééclampsie avant terme et de 480 témoins choisies au hasard : 120 ayant souffert d’éclampsie à terme, 120 d’hypertension gestationnelle et 120 mères normotendues durant la grossesse et qui ont donné naissance à terme à un enfant de poids normal.
Ils ont analysé chez ces femmes les taux de sFlt1 (fms-like tyrosine kinase 1), une protéine antiangiogénique, de Pigf (Placental Growth Factor), une protéine proangiogénique et d’endogline soluble, une autre protéine antiangiogénique qui interagit avec sFlt1 pour induire des prééclampsies sévères dans des modèles animaux.
De deux à trois mois avant les premiers signes.
« Le taux circulant d’endogline est majoré de façon significative de deux à trois mois avant les premiers signes de prééclampsie. Dès les premiers signes de la maladie, le taux moyen d’endogline s’établit à 46,4ng/ml chez les femmes souffrant de prééclampsie contre 9,8ng/ml chez les sujets contrôles», analysent les auteurs. A terme, le taux moyen d’endogline chez les femmes atteintes était de 31 contre 13,3 ng/ml chez les témoins. Dès la 17e semaine, les femmes qui, plus tard, au cours de leur grossesse, vont souffrir de prééclampsie, ont un taux d’endogline soluble majoré par rapport aux autres futures mères. Cette tendance ne fait qu’augmenter jusqu’à la 25e semaine (10,2 contre 5,8 ng/ml à la 17e semaine et 8,5 contre 5,9 ng/ml après). Par ailleurs, la majoration du taux d’endogline soluble s’accompagne le plus souvent d’une augmentation du ratio sFlt1: Pigf.
Pour les auteurs, «le taux circulant d’endogline et le rapport sFlt1:PlGF sont majorés plusieurs semaines avant l’apparition clinique de la prééclampsie. Ces nouvelles données s’ajoutant aux expérimentations animales suggèrent qu’endogline et sFlt1 pourraient contribuer, par deux mécanismes distincts, à un dysfonctionnement endothélial qui pourrait conduire à terme à une prééclampsie».
Depuis une vingtaine d’années, les recherches sur la physiopathologie de l’éclampsie ont permis de mieux comprendre les phénomènes mis en jeu dans cette affection à l’origine de naissances prématurées et de décès maternels ou foetaux. On sait aujourd’hui que cette pathologie fait intervenir, à des degrés divers, le stress oxydatif, l’inflammation, la mauvaise adaptation circulatoire maternelle à la grossesse, ainsi que des anomalies humorales, minérales ou métaboliques.
Le gène codant pour cette tyrosine kinase.
En 2003, une première équipe de chercheurs s’est intéressée à la tyrosine kinase 1 fms-like soluble (sFlt1) une protéine qui se lie – et inactive – le Vegf (Vascular Endothelial Growth Factor), une protéine proangiogénique, et le Pigf. Ils ont prouvé que le gène codant pour cette tyrosine kinase est surexprimé dans le placenta des femmes atteintes de prééclampsie. Dans un deuxième temps, les même chercheurs ont émis l’hypothèse que la molécule pouvait entrer dans la circulation maternelle où elle pourrait se lier au Vegf, ainsi qu’au Pigf libre et que la fraction libre de sFlt1 circulante pourrait induire un déséquilibre entre les différents facteurs pro- et antiangiogéniques intravasculaires conduisant à terme à la prééclampsie. Le fait que les taux maternels de sFlt1 sont majorés chez les femmes souffrant de prééclampsie et que ceux de Vegf et Pigf sont diminués semblent confirmer cette hypothèse.
Le troisième temps du travail a permis de confirmer que, invitro, sFlt1 inhibe l’angiogenèse et la vasodilatation rénale artérielle. Enfin, la surexpression médiée par un adénovirus de sFlt1 chez des rates enceintes induit une protéinurie et une hypertension. Plus récemment, les chercheurs se sont intéressés à l’endogline, un corécepteur soluble du TFG-bêta 1 (Transforming Growth Factor), car cette molécule pourrait empêcher la fixation du TGF-B1 aux récepteurs endothéliaux, diminuant ainsi la vasodilatation endothéliale activée par le NO synthétase.
« New England Journal of Medicine », 355 ; 10 : 992-1005 et 1056-1057.
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