PLUS DE 1 000 PAGES et plus de 300 entrées (d’Abject à Xénotransplantation) pour l’ouvrage coordonné par Michela Marzano, 500 pages et 370 entrées (d’Abandon à Zoo humain) pour celui de Bernard Andrieu, pour montrer, sous la plume d’historiens, de psychanalystes, de philosophes, d’anthropologues, d’éthologues, de sociologues et de nombreux autres universitaires des sciences humaines et sociales, les rapports du corps au monde dans sa diversité et sa pluralité.
Prisme au travers duquel notre monde peut se lire de multiples façons, vecteur de nos désirs, de nos joies, lieu d’expression de notre malaise et de ceux de la société contemporaine, révélateur de nombreuses et diverses contradictions, le corps est un objet particulier et ambigu, expliquent ces spécialistes. Rassembler des savoirs différents, proposer une réflexion interdisciplinaire pour nous aider à comprendre ce que le corps, reflet et réceptacle de la société contemporaine, représente aujourd’hui sont les objectifs de ces deux ouvrages.
Que l’on s’intéresse au corps tatoué ou au corps douloureux, au corps nomade ou à celui du Christ, au corps vieillissant, au corps greffé ou au corps virtuel, au corps artiste ou au corps malade, la structure de l’encyclopédie proposée par Michela Marzano permet de repérer facilement son sujet d’intérêt et de procéder à des recoupements aisés entre articles. Le dictionnaire ouvert pour consulter un sujet précis, on ne le lâche plus. La page Alzheimer mène à Image du corps (entre autres), qui conduit le lecteur à Désir ou Pulsion, selon son humeur du moment, puis à Jouissance. On promet de s’arrêter bientôt mais après Jouissance apparaît l’entrée Judaïsme, menant à Talmud ; on ne résiste donc pas à se documenter sur la notion de corps sublime des kabbalistes mais voilà, après Talmud apparaît Tatouage. Comment passer son chemin ? Qui dit Tatouage, dit Piercing, dit Corps et Art, Orlan et pourquoi pas, alors, Féminisme ? Et le temps passe, et plus on parcourt l’ouvrage, plus cette frontière entre soi et les autres, ce corps, objet de l’analyse autant que sujet de la même analyse, apparaît comme une réalité ambiguë.
Histoire de revenir à la matérialité de la condition humaine et à notre métier, on décide de s’arrêter à la page Douleur et de conclure sur les propos de l’anthropologue David Le Breton : «Entre celui qui souffre et celui qui lui tient la main, il y a une inégalité de condition, deux mondes qu’aucune parole durable ne relie. La douleur fait corps, elle ne fait pas langue; mais sans ce contact, la souffrance serait pire.» On ne saurait mieux dire.
Un objet scientifique.
Si le dictionnaire dirigé par Michela Marzano s’ouvre sur Abject, celui de Bernard Andrieu commence par Abandon. Plus synthétique que le premier, il n’en a pas moins d’intérêt et offre une vision comparable sur le principe mais complémentaire de ce sujet.
«Accepté dans sa réalité matérielle, dans ses souffrances et ses besoins, dans sa beauté au point qu’on lui voue un véritable culte, il est asservi car on le met en culture, au service de nos constructions culturelles et sociales», écrit Michela Marzano dans son introduction. Le corps est devenu un objet scientifique d’étude en sciences humaines et sociales explique, lui, Bernard Andrieu, dans un monde où la mode est aux thérapies corporelles, où «chacun espère trouver dans et par son corps une thérapie pour soigner les maladies de son existence, stress, fatigue, dépression, angoisse, solitude, où les développements des soins corporels constituent, après la libération sexuelle, l’enjeu du sujet contemporain». Des ouvrages parfaitement adaptés à tous ceux qui tentent de soigner le corps... et l’âme.
« Dictionnaire du corps », sous la direction de Michela Marzano, PUF, collection « Quadrige » 1 072 pages, 34 euros. « Le Dictionnaire du corps en sciences humaines et sociales », sous la direction de Bernard Andrieu, Cnrs Editions, 552 pages, 50 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature