CONFORTABLEMENT installé sur le canapé de la salle à manger, Michel sourit. Ici, il est heureux. Avec Dominique, Roland et Marc, trois autres blessés, il réside au « Domisiladoré », une « maison des quatre » située à Bègles, en périphérie bordelaise. Michel ne sait pas depuis quand il est là, mais peu importe : « Ici je fais tout, je suis à la maison », confie-t-il dans un sourire.
En réalité, cela fait déjà trois ans que Michel est arrivé à Domisiladoré, après que sa vie a basculé il y a huit ans et demi sur une route du Tarn-et-Garonne. Comme lui, 160 000 personnes sont victimes chaque année d'un traumatisme crânien en France et, parmi eux, 8 000 gardent des troubles du comportement et des séquelles neuropsychiques irréversibles. « Entre l'accident de Michel et son arrivée ici, il y a eu beaucoup de détresse et de temps perdu », confie un proche. C'est de ce constat que sont nées les maisons des quatre en 1998.
Une solution pour la réinsertion.
A l'origine de l'expérience, Rodolphe Peter et Hervé Delmas, deux ergothérapeutes de la région. « Nous connaissions bien la problématique des traumatisés crâniens, expliquent-ils . On savait qu'il manquait un maillon entre le maintien à domicile des blessés, lourd pour les proches, et les foyers - souvent inadaptés - dans lesquels on les place le plus souvent. On a donc imaginé une solution intermédiaire dans laquelle ils pourraient se reconstruire et surtout se réinsérer, soit par le travail, soit par des activités. » Ils ont proposé leur projet à la Maaf, à la demande des associations de familles (notamment l'Association de familles des traumatisés crâniens) désemparées qui ne trouvaient pas de structure appropriée.
Au Domisiladoré, les résidents font du chant, du théâtre ou de la peinture. Et ils réapprennent aussi tous les gestes du quotidien, avec l'aide de Nathalie, la maîtresse de maison, qui vit sur place, coordonne les activités et gère le fonctionnement de la maison. Quatre autres personnes interviennent pour encadrer les résidents.
Les ressources humaines sont l'aspect essentiel de la réussite des maisons des quatre et « il a fallu former des gens à la population particulière des traumatisés crâniens ». Ainsi, Nathalie, n'est ni aide-soignante ni auxiliaire de vie, mais tout à fait compétente pour réagir au mieux aux difficultés que peuvent rencontrer les blessés : difficultés de déplacement, troubles de l'équilibre ou de la mémoire, crises d'épilepsie...
Les personnes qui encadrent les résidents suivent une formation dispensée par TC Assistance*, une structure mise en place par les deux initiateurs du projet. « Sur les 10 maisons, nous employons 35 personnes en équivalent temps plein, elles travaillent pour 45 blessés », résume Hervé Delmas.
Moins cher qu'un établissement classique.
Côté financement, le coût d'investissement est de 305 000 euros par maison, achetée et équipée par le groupe Maaf. En retour, les résidents payent un loyer et participent aux frais de fonctionnement (nourriture, charges...). Autre précision, « une journée dans une maison des quatre coûte 50 % moins cher qu'une journée dans un établissement classique », assure Philippe Hingray, le directeur de la fondation Maaf Assurances. Un argument de poids en faveur de ce concept qui devrait bientôt faire des émules au-delà des frontières régionales. Quelques mois après la signature d'une circulaire pour améliorer la prise en charge des traumatisés crâniens par le ministère de la Santé et de la Protection sociale, l'Etat commence aussi à trouver l'initiative intéressante. « D'autant que le concept des maisons pourrait s'adapter à d'autres types de handicaps, qui ont tout autant de mal à trouver leur place dans notre société : les trisomiques, les autistes, les personnes atteintes du HIV », indique Hervé Delmas.
Prochaine étape : développer trois sites sur trois ans avec deux maisons par site, soit six maisons de plus sur toute la France. Parmi les villes ciblées, Rennes devrait être la première à franchir le pas et des jalons ont déjà été posés à Marseille et à Grenoble. Un travail de fond qui se mène avec les acteurs sociaux (DRASS) et le secrétariat d'Etat aux Handicapés, où Marie-Anne Montchamp a mis en place des groupes de travail pour réfléchir à une meilleure prise en charge des handicapés au niveau national.
* Traumatisés crâniens assistance, 90, rue de Belfort, 33000 Bordeaux.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature