L ORSQUE sir Alexandre Ogston (1844-1929), un chirurgien écossais et microbiologiste amateur, a examiné au microscope le pus provenant d'un ulcère de jambe, il a écrit : « J'ai été délicieusement surpris par cet enchevêtrement de chaînes et de filaments formés par un grand nombre l'éléments arrondis facilement individualisables au sein du pus et des débris cellulaires. » Depuis ce temps, les staphylocoques n'ont jamais cessé de fasciner les infectiologues. Ils représentent en effet une entité particulière au sein des bactéries : 30 % des humains en sont porteurs (au niveau du nez et de la peau) et, en dépit de la prévalence du portage, cette bactérie garde tout son potentiel pathogène, en particulier chez les plus de 65 ans.
Avant l'arrivée des antibiotiques, plus de 80 % des septicémies à staphylocoques dorés se révélaient mortelles.
Méticilline et vancomycine
Plus récemment, c'est la multiplication des résistances de ces bactéries aux antibiotiques qui préoccupe les infectiologues. En effet, dès les années 1970, des souches, en particulier celles en cause dans les infections nosocomiales, sont devenues incessibles à la méticilline ( Meticillin Resistant Staphylococcus aureus : MRSA) et, de ce fait, les glycopeptides (la vancomycine, par exemple) sont devenus le seul rempart contre les infections systémiques. Mais en 1997, des souches résistantes à la vancomycine ont été isolées ( Vancomycin Resistant Staphylococcus aureus : VRSA). En l'absence de développement de nouvelles familles d'antibiotiques - à l'exception récente des oxazolidinones (voir « le Quotidien » n° 6 894 du 9 avril 2001) -, les infectiologues cherchent à mieux comprendre les phénomènes moléculaires qui sont à la base de l'acquisition de résistances des staphylocoques dorés.
Dans cette optique, une équipe de microbiologistes japonais a entrepris le séquençage du génome de deux souches de staphylocoques : souche N315 (un MRSA isolée pour la première fois en 1982) et Mu 50 (un VRSA apparu en 1997). « Le génome des staphylocoques étudiés est constitué d'un mélange complexe de gènes, dont certains semblent avoir été acquis par transfert interespèces », expliquent les auteurs. La plupart des gènes de résistances aux antibiotiques sont portés par des plasmides ou des éléments génétiques mobiles, notamment un véritable îlot de résistance spécifique à ces bactéries.
Trois types d'îlots, liés à une pathogénicité encore mal comprise jusqu'à présent, ont aussi été identifiés : un îlot de toxines induisant les toxic-shock-syndrome et deux îlots spécifiques, l'un codant pour des exotoxines et l'autre pour des endotoxines. Dans ces deux derniers îlots, les groupes de gènes codant pour les endo- et les exotoxines sont liés à près de 70 autres gènes qui pourraient représenter de nouveaux facteurs de virulence. Ces gènes doivent maintenant être mieux étudiés afin de déterminer si, ils peuvent constituer de nouvelles cibles thérapeutiques ou être à la base de la mise en place d'une stratégie vaccinale. Cette dernière option semble néanmoins limitée par la variabilité antigénique de ces bactérie.
Des loci provenant d'espèces éloignées
Les auteurs ont aussi procédé à une comparaison du génome des staphylocoques avec celui de bactéries apparentées, les bacilles. « Si les transposons et les séquences codant pour des toxines et des facteurs de colonisation ne représentent que 7 % du génome des staphylocoques, ils sont totalement absents du génome des bacille », expliquent les investigateurs. Dix-huit loci du génome des staphylocoques dorés semblent provenir d'autres espèces éloignées (les vertébrés, dont l'homme, par exemple). Pour les éditorialistes, les Drs Dlawer Ala'Aldeen et Hajo Grundmann (Nottingham), « ce travail va faire naître des hypothèses sur l'acquisition horizontale de gènes entre les différentes espèces ».
« The Lancet » du 21 avril 2001, vol. 357, pp. 1225-1240.
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