Faute de données épidémiologiques récentes, la réalité de la rétinopathie diabétique (RD) et des patients à risque de complications oculaires reste mal connus en France.
« Les chiffres sont relativement anciens. Et il serait judicieux de lancer une étude épidémiologique de grande ampleur pour mieux cerner la réalité du problème pour tous les patients, en tenant compte de leurs lieux de résidence », explique le Pr Gastaud, chef du service d’ophtalmologie du CHU de Nice, soulignant les variations géographiques énormes en France dans l’accès au dépistage de la RD – 40% en moyenne en 2014.
Dans un rapport de 2010, la Haute Autorité de santé (HAS) prévenait que la RD reste une cause importante de malvoyance et la première cause de cécité chez les sujets de moins de 60 ans, en population générale, dans l’ensemble des pays industrialisés. « En 2002, l’OMS estimait qu’elle était à l’origine de 5 % des cas de cécité dans le monde. Après 15 ans de diabète, environ 2 % des patients deviennent aveugles et 15 % souffrent de déficience visuelle sévère », indique la HAS.
En Europe, on dispose de peu de données sur les cécités et les malvoyances liées au diabète. « En France, en l’absence de registre, selon l’étude ENTRED 2007, la proportion de patients diabétiques ayant déclaré la perte de la vision d’un œil, quelle que soit son origine, était de 3,9 % ; 16,6 % ont déclaré avoir bénéficié d’un traitement ophtalmologique par laser, en raison d’une atteinte oculaire due au diabète ou à une autre pathologie. Environ 50 % ont eu l’examen ophtalmologique annuel actuellement recommandé », indique la HAS.
Difficultés en zones rurales
Selon le Pr Gastaud, les médecins généralistes doivent s’investir davantage dans la promotion du dépistage mais aussi de la surveillance sur le long terme : « Il y a environ 4 millions de diabétiques en France. Tous les généralistes ont donc des patients atteints de RD. Certains sont très conscients de la nécessité d’un suivi optimal mais d’autres sous-estiment la fréquence et la gravité des complications liées à une RD ».
Le lieu de vie des patients est un élément fondamental dans les inégalités d’accès au dépistage en France. « En ville, les patients sont souvent très médicalisés. Mais en zone rurale ou excentrée, l’accès à la médecine de premier recours et surtout spécialisée est très différent. Certains généralistes ou patients ne voient pas la nécessité de faire parfois 100 ou 200 kilomètres pour aller consulter un ophtalmologiste faire un bilan rétinien et de la pression oculaire. Et, même si un premier bilan est effectué, le suivi régulier est difficile à mettre en place. Nous voyons arriver encore trop de patients avec des rétinopathies avancées ou des glaucomes secondaires : il s’agit souvent de patients qui vivent dans l’arrière-pays niçois ».
Pour le Pr Gastaud, il est indispensable d’avoir des données épidémiologiques récentes et précises sur la rétinopathie diabétique. « Cela sensibiliserait les tutelles à l’intérêt de s’engager dans la mise en place d’un dépistage plus actif, comme c’est le cas pour le cancer du sein ou du côlon. Cela pourrait aussi inciter certaines Agences régionales de santé (ARS) à financer davantage de rétinographes pour développer le dépistage via la télétransmission. Peut-être faudrait-il imaginer un système où tous ces patients, qui sont pris en charge à 100 %, aient un bilan ophtalmologique obligatoire lors du renouvellement de l’exonération du ticket modérateur afin de toucher tous ceux qui, aujourd’hui, n’ont pas accès à des bilans oculaires ».
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