L'APPAREIL unguéal est constitué de l'ongle proprement dit (ou lame unguéale), de la matrice et des parties molles qui l'entourent, avec leurs différents replis, l'ensemble reposant sur le périoste de la phalange distale. La matrice est la partie germinative où la lame unguéale est élaborée. L'extrémité distale de la matrice élabore la partie superficielle de la lame unguéale, alors que l'extrémité proximale en élabore la partie profonde.
Il existe trois grandes circonstances nécessitant d'aborder chirurgicalement l'appareil unguéal : l'exploration diagnostique d'une altération d'une des parties de l'appareil unguéal, la prise en charge des tumeurs, dont les formes malignes sont essentiellement le mélanome acral et le carcinome spinocellulaire, et enfin la correction de dystrophies unguéales, en particulier de l'ongle incarné.
Avant de procéder à une chirurgie, il est indispensable de faire un bilan préopératoire : examen clinique des vingt ongles, radiographie et examen mycologique.
Les biopsies de l'appareil unguéal ne sont pas toujours un acte facile. Elles doivent être effectuées de façon à être exploitables par l'anatomopathologiste. Elles sont indiquées devant tout problème diagnostique, face à une altération d'un ongle liée à une dermatose inflammatoire, avec une atteinte isolée de l'appareil unguéal, en dehors de toute lésion cutanée pouvant faire évoquer le diagnostic (lichen plan, pelade, suspicion de psoriasis, pour confirmer un rhumatisme psoriasique…). Elles peuvent porter sur le lit de l'ongle, les parties molles ou la matrice. Ces biopsies sont réalisées sous anesthésie locale, avec un garrot.
Au niveau du lit de l'ongle, la biopsie doit toujours comporter la lame unguéale, l'épiderme et le derme. Il n'y a pas d'hypoderme à cet endroit, le derme est adhérent à l'os. Toutes les incisions se font donc jusqu'au contact osseux et dans le sens longitudinal.
Les biopsies de la matrice sont indiquées lorsqu'il existe une déformation de la tablette. Elles doivent être faites dans le sens transversal et être de petite taille, au niveau soit de la matrice distale, soit de la matrice proximale. Elles ne doivent jamais s'étendre sur toute la hauteur de la matrice, ce qui induirait une repousse de l'ongle en deux parties. De petits prélèvements n'entraînent qu'une diminution de l'épaisseur de la lame unguéale à l'endroit de la biopsie. On ne pose en principe pas de points de suture, mais un simple pansement compressif.
Quand la totalité de l'appareil unguéal doit être étudiée, il est possible de faire une biopsie latéro-longitudinale. Cette technique permet un examen anatomopathologique de tout l'appareil unguéal : lit de l'ongle, matrice et repli proximal.
Erythronychies et mélanonychies : deux signes évocateurs de malignité.
La pathologie tumorale de l'appareil unguéal est dominée par la recherche de tumeur maligne. Le carcinome spinocellulaire peut se manifester de différentes façons et concerner toutes les parties de l'appareil unguéal : repli cutané, matrice ou lit de l'ongle. La maladie de Bowen unguéale est une forme particulière de carcinome spinocellulaire in situ, qui se présente sous la forme d'une bande rouge nommée érythronychie longitudinale, nécessitant une biopsie puis une exérèse carcinologique. Une infection par le HPV est souvent trouvée. La maladie de Bowen peut également se présenter différemment, par une tache rouge sous-unguéale, sous une forme verruqueuse ou pseudo-psoriasique.
Les mélanomes acraux se développent à partir des mélanocytes de la matrice de l'ongle, mais ils peuvent envahir secondairement les autres parties de l'appareil unguéal. Ils démarrent en général dans la matrice distale, où se situent les mélanocytes contenant de la tyrosinase, une enzyme responsable de la fabrication du pigment. Ils se présentent classiquement sous forme de bandes noires ou mélanonychies longitudinales. Dans les cas plus évolués (fig. 1), on peut observer un envahissement du repli sus-unguéal et de la cuticule, constituant le signe de Hutchinson.
Devant des mélanonychies, la question se pose de savoir s'il s'agit d'un mélanome, d'un lentigo (augmentation de la densité des mélanocytes dans la matrice), d'un nævus ou d'une hyperplasie mélanocytaire d'origine mécanique. Ce dernier diagnostic se voit en général sur le 4e ou le 5e orteil, lorsqu'il frotte contre la chaussure et donne des mélanonychies latérales bénignes. La dermatoscopie peut être une technique contributive au diagnostic. Lorsqu'un prélèvement est nécessaire, il recherche, dans un premier temps, la lésion organique sur la matrice à l'origine de la bande noire. Cela consiste à inciser les bords du repli sus-unguéal en prolongeant le sillon des deux côtés, puis à soulever ce repli pour aborder la matrice. L'exérèse du point noir visible est alors réalisée jusqu'au contact osseux. L'abord est refermé avec deux points de suture. Si l'anatomopathologie est en faveur d'un mélanome, une exérèse plus élargie est faite dans un second temps. Il existe également des tumeurs spécifiques de l'appareil unguéal, comme l'onychomatricome (fig. 2).
Ongle incarné : différentes techniques opératoires.
Le domaine des dystrophies unguéales est dominé par l'ongle incarné, dont il est important de bien connaître les différents aspects. Chez l'adolescent, il s'agit en général d'une hypertrophie des parties molles, alors que, chez l'adulte et la personne âgée, l'ongle incarné est le plus souvent dû à une déformation de la tablette unguéale. Il existe également des causes podologiques, chez les patients souffrant d'hallux valgus, où l'ongle ne pousse pas dans l'axe de la phalange et entraîne un conflit entre les parties molles et la tablette unguéale. Une forte proportion d'ongles incarnés sont dus à une coupe trop courte des ongles. L'intervention chirurgicale des ongles incarnés consiste à réduire la largeur de la matrice et à enlever les zones hypertrophiées, en particulier chez l'adolescent. Il existe plusieurs techniques effectuées sous anesthésie locale et garrot : la technique chirurgicale pure, avec dissection de la corne matricielle (parties latérales de la matrice), la phénolisation (destruction chimique de la corne par du phénol) ou la lasérisation au gaz carbonique. Les deux dernières techniques entraînent moins de saignements et de douleur postopératoire et sembleraient, selon quelques publications, réduire le risque de récidive.
Une forme particulière d'ongle incarné est l'incarnation antérieure. Elle est le plus souvent secondaire à une avulsion de la tablette ou à un chute post-traumatique de la tablette. La pousse de l'ongle entre alors en conflit avec la peau distale. La correction chirurgicale nécessite une plastie de l'extrémité distale de la phalange.
Les dystrophies unguéales congénitales sont essentiellement représentées par la déviation axiale congénitale des ongles des pieds. Il s'agit d'un mal-alignement de la matrice des ongles avec l'axe de la phalange. Elles peuvent se corriger par réaxation chirurgicale avant l'âge de 3 ans, mais il faut savoir choisir le bon moment, car beaucoup de cas régressent spontanément. Un diagnostic différentiel est l'hypertrophie congénitale des bourrelets latéraux, qui est une hypertrophie des parties molles recouvrant l'ongle, avec un alignement normal de la matrice, régressant habituellement de façon spontanée. La déviation axiale peut aussi être acquise après intervention pour ongle incarné ou sur hallux valgus.
D'après un entretien avec le Dr Georges Reuter, dermatologue, Strasbourg.
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