LA MISE sur le marché, au milieu des années 1980, de l'hormone de croissance (GH) recombinante a permis, non seulement, de traiter davantage d'enfants présentant un déficit somatotrope, mais aussi d'élargir ses indications, initialement au syndrome de Turner, puis au retard statural secondaire à une insuffisance rénale chronique, rappelle le Pr Tauber. Deux indications sont venus s'ajouter récemment à cette liste : d'une part, le retard de croissance intra-utérin (Rciu) et, d'autre part, le syndrome de Prader-Labhart-Willi (SPW).
Dans le Rciu (taille de naissance est inférieure à - 2 DS pour le terme), la GH est indiquée à partir de 3 ans chez les enfants qui ont une taille égale ou inférieure à - 2,5 DS. A l'origine, la durée de ce traitement était de trois ans, avec une poursuite uniquement si la taille restait inférieure à - 2 DS. Les nouvelles AMM européenne et américaine ne font plus état d'une limitation dans la poursuite du traitement. Le SPW constitue une indication particulière d'un grand intérêt en endocrinologie. C'est le premier cas où l'on ne traite pas forcément la petite taille, comme l'indique l'objectif de la GH tel qu'il est stipulé dans l'indication. Tous les enfants de moins de 12 ans ayant un SPW prouvé génétiquement peuvent bénéficier d'un traitement par GH, pour accélérer leur croissance et/ou pour améliorer leur composition corporelle. Il s'agit de la première indication de ce type en pédiatrie. « C'est pour nous une avancée significative, dont l'impact est extrêmement important puisqu'un traitement précoce permet de prévenir le développement d'une obésité », constate le Pr Tauber.
Un traitement encore trop tardif.
Dans la pratique, une évolution des modalités de prescription de la GH est intervenue récemment. Les doses ont été augmentées et, surtout, le médecin peut moduler la dose en fonction de l'efficacité. De meilleurs résultats sont ainsi obtenus. Avec, toutefois, des réponses qui connaissent encore des variations individuelles plus ou moins importantes, principalement en raison du retard du traitement. L'utilisation de modèles mathématiques de prédiction des effets de la GH a, en effet, montré que, outre la sévérité du retard de croissance, l'efficacité est liée à l'âge de mise en route du traitement et à la dose, la sensibilité individuelle au traitement passant bien après ces trois facteurs. Dans le syndrome de Turner, par exemple, l'âge de début du traitement est d'environ 9 ans. « On n'arrive pas à franchir la barre des 6 ans », note le Pr Tauber. Un seuil retrouvé il y a quelques années par des auteurs hollandais. Le même problème se pose dans les déficits sévères en GH. « Certes, l'âge de traitement a été abaissé de deux ans dans cette pathologie, mais des progrès sont encore nécessaires », indique la spécialiste.
La relation entre la précocité du traitement par GH et son efficacité a été confirmée dans le syndrome de Turner par une étude française publiée cet été (1). C'est une des plus grandes cohortes mondiales. Ce travail a aussi montré que les résultats sur la taille adulte peuvent être optimisés par l'induction de la puberté à l'âge physiologique, avec des estrogènes percutanés. Par rapport à la voie orale, il semble que la voie transcutanée améliore le taux d'IGF 1 et, donc, la sensibilité à la GH.
Que faire à l'arrêt de la croissance ?
Un consensus existe sur le traitement par GH en cas de déficit somatotrope sévère. En revanche, il reste à établir pour les enfants atteints d'un déficit partiel - actuellement reconnu comme une entité. Les données sur cette population sont peu nombreuses. Une étude pilote sur le suivi d'adolescents avec déficit partiel qui ont eu un traitement par GH montre que, un an après arrêt de celui-ci, ils présentent les mêmes anomalies de composition corporelle que les adolescents avec déficit complet (2). Les données à cinq ans après arrêt du traitement sont en cours d'analyse. Des études sont nécessaires pour évaluer le bénéfice potentiel de la GH dans cette indication.
* D'après un entretien avec le Pr Maïté Tauber, unité d'endocrinologie, génétique et gynécologie médicale, hôpital des Enfants, Toulouse.
(1) Soriano-Guillen L et coll. Adult Height and Pubertal Growth in Turner Syndrome after Treatment with Recombinant Growth Hormone. « J Clin Endocrinol Metab » 2005 [Epub ahead of print].
(2) Tauber M et coll. Adolescents with Partial Growth Hormone (GH) Deficiency Develop Alterations of Body Composition after GH Discontinuation and Require Follow-Up. « J Clin Endocrinol Metab » 2003 ; 88 (11) : 5101-5106.
Perspectives
Aux Etats-Unis, la GH a depuis 2004 une AMM pour les petites tailles idiopathiques : tout sujet ayant une taille inférieure à - 2 DS peut en bénéficier. Le Pr Tauber émet des réserves vis-à-vis de cette indication très utile pour certains enfants, mais qui a été obtenue « à partir d'études menées sur des populations très hétérogènes et sur de petites séries ». L'intérêt de la GH dans la petite taille observée dans certaines maladies génétiques devra aussi être évalué. (Sur 6 000 maladies génétiques, entre 30 et 35 % comportent un retard statural.) Des études sont en cours et d'autres vont démarrer dans ces affections.
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