Parallèlement aux essais cliniques évaluant le bénéfice de l'acupuncture, plusieurs travaux fondamentaux ont été menés dans le domaine des neurosciences afin de mieux comprendre l'action de cette médecine complémentaire. Activation des systèmes opiacés endogènes, impact sur les structures cérébrales profondes et, notamment, sur le centre de la récompense ont ainsi été mis à jour.
PAR LE Dr Gérard DELAHAYE*
SUR LE PLAN diagnostique, l'acupuncteur utilise les principes de la médecine chinoise pour définir le syndrome présenté par le patient. Selon ceux-là, le concept de douleur peut être divisé en deux entités principales : le syndrome « Bi » et le syndrome « Tong ». Leurs étiologies, pathogénies, localisations et symptômes étant dissemblables, leurs traitements sont différents. La douleur peut ainsi être provoquée par des agents externes ou par des dérèglements internes. Dans certains cas, il peut s'agir d'une attaque par les « pervers externes », vent, froid, canicule, humidité, sécheresse, feu, qui entraînent un envahissement et un blocage des « vaisseaux » et des méridiens. Les « énergies interne (nourricière) et externe (défensive) » sont alors perturbées, comme « coagulées ». Les organes peuvent être « blessés » et « déréglés » par des émotions trop fortes entraînant des « stagnations de Qi et de Sang ».
Quelle que soit son origine, l'apparition de la douleur est toujours conditionnée par un blocage des mouvements de l'énergie au niveau des organes ou des méridiens et de leurs branches collatérales : c'est «l'obstruction qui provoque la douleur».
Le traitement acupunctural de la douleur va donc s'appuyer grossièrement sur trois principes thérapeutiques fondamentaux : la « désobstruction », la « régularisation de la fonction du Qi » et l'« expulsion ».
Une activation des systèmes opiacés endogènes.
On le voit, l'une des caractéristiques fondamentales de la médecine chinoise et de l'acupuncture est de prendre en considération simultanément l'aspect clinique observable et les composantes émotionnelles ressenties par le patient. Cette approche simultanée a construit des syndromes bien « étranges » pour le médecin occidental, mais face auxquels la recherche fondamentale et les neurosciences laissent entrevoir des explications. L'acupuncture a en effet fait l'objet de nombreux travaux. plusieurs résultats concernent les modifications humorales qui pourraient être à l'origine de l'action thérapeutique, notamment analgésique, de l'acupuncture. Il semble que cet effet soit lié à l'activation des systèmes opiacés endogènes avec comme support théorique de cette action le « gate control ». Il a notamment été montré, lors d'interventions chirurgicales, que le recours à l'électroacupuncture, en combinaison à l'anesthésie générale ou épidurale, réduisait la consommation d'anesthésiques (R. Greif, 2002).
Très récemment, des études en résonance magnétique fonctionnelle ont montré que l'acupuncture agissait au niveau des structures cérébrales profondes et, en particulier, à l'étage hypothalamique et amygdalien. Ainsi, A. Campbell, en 2006, plaide clairement pour une action sur la perception et la transmission de la douleur. Certes, dans une étude sur la migraine (K. Linde 2005), les résultats obtenus par acupuncture « verum » versus acupuncture placebo (« sham acupuncture ») n'ont pas montré de différence significative, et seraient dus à une action placebo de la technique. Mais I. Lund et T. Lundeberg ont à cet égard souligné la difficulté de mettre en évidence une différence entre les pathologies à forte composante affective et celles à forte composante sensorielle. Dans les différentes études en résonance magnétique fonctionnelle, il semble que la spécificité des localisations des réponses corticales soit explicitée et différente chez les sujets sains (D. Servan-Schreiber, 1998) et chez les patients souffrant d'un syndrome du canal carpien (V. Napadow, 2007).
Le centre de la récompense.
Enfin, une nouvelle hypothèse a été émise dans un travail évoquant l'action de l'acupuncture sur le centre de la récompense (T. Lundeberg, 2006). Une acupuncture placebo superficielle serait à l'origine d'une activation du système de récompense induisant une sensation de bien-être (I. Lund, 2006). Des études chez l'animal renforcent également l'idée que cette technique agirait à ce niveau (K. Yoshimoto, 2006).
* Département de santé publique et médecine sociale, UFR santé médecine biologie humaine, université Paris-XIII, Bobigny. http://dumenat.smbh.univ-paris13.fr Ndlr : une version longue et référencée de cette présentation est disponible sur le site: http://dumenat.smbh.univ-paris13.fr/puma/01/index.htm.
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