BRUNO HALIOUA se penche sur le savoir médical hébraïque antique. La situation du pays au carrefour des principales voies de communication de l'Antiquité unissant l'Afrique à l'Asie et l'Asie à la Grèce était propice au rassemblement des connaissances médicales.
La médecine hébraïque traditionnelle semble s'être largement inspirée des pratiques assyro-babylonienne et égyptienne. Néanmoins, ce qui l'en distingue fondamentalement, explique l'auteur, est qu'elle repose sur le monothéisme. Puisque l'homme est créé à l'image de Dieu, les soins qui lui sont prodigués sont une façon de marquer la fidélité à l'Éternel. Pour prendre soin de son âme, il faut prendre soin de son corps, d'où les nombreuses règles de bon sens et de tempérance concernant le sommeil, la faim, la soif, l'activité physique. Le médecin est, dès lors, une sorte d'intercesseur entre Dieu et les hommes ; il apaise et conseille. Si son exercice l'appelle le samedi, il peut transgresser le shabbat.
Préceptes d'hygiène.
Il n'existe pas à proprement parler de traité de médecine hébraïque, constate l'auteur, et c'est donc à partir de la Bible et du Talmud qu'il a reconstitué le savoir et les habitudes médicales de l'époque, qu'il détaille à travers de nombreuses anecdotes et citations des écrits sacrés. L'observation du mode de vie du vigneron, du guerrier, du laboureur, de l'esclave lui permet de souligner leur adaptation étroite au mode de vie quotidien comme leur lien indissociable avec la religion.
La médecine hébraïque a ainsi un rôle important dans le domaine de l'hygiène et de la médecine préventive en veillant à faire respecter un certain nombre de préceptes, de règles de prophylaxie, qui accompagnent tous les gestes de la vie quotidienne et participent à enrayer la propagation de maladies mortelles. Obligatoires, ces lois sont inscrites dans le Talmud, font partie de la Torah.
Si les médecins hébreux de l'Antiquité accordent une grande place à l'hygiène, ils sont aussi de fins observateurs de la physiologie ; ainsi, ils estiment à 271 jours le temps de la grossesse, témoignant d'un esprit clinique affûté, alors qu'Hippocrate et Aristote l'évaluaient à onze mois. Une loi de source talmudique semble constituer le premier diagnostic d'hémophilie dès le «IIesiècle avant l'ère commune»: elle préconise de ne pas circoncire le troisième enfant d'une fratrie si les deux premiers ont succombé à une hémorragie lors de ce geste. L'ouvrage intéressera les amateurs d'histoire de la médecine, mais constitue également une histoire des moeurs au temps des Hébreux.
Histoire des idées.
Catherine Allamel-Raffin et Alain Leplège, auteurs d'un petit ouvrage de synthèse sur l'histoire de la médecine, ont pour objectif «d'encourager le lecteur à adopter une attitude réflexive vis-à-vis de la connaissance médicale en adoptant une perspective critique, non seulement historique, mais également épistémologique». Leur propos est d'abord consacré aux principaux repères temporels concernant les acquis déterminants de la médecine, l'évolution de ses grandes options théoriques et de ses méthodologies de recherche, avant d'aborder des études de cas permettant de saisir la complexité des logiques inhérentes aux démarches adoptées en médecine et en science. Leur présentation historique, de la Préhistoire à la Renaissance, des débuts de la médecine scientifique à la médecine que nous connaissons aujourd'hui, est particulièrement synthétique et satisfera le lecteur pressé, mais soucieux de disposer d'un socle minimal de connaissances sur le sujet.
Cette clarté lui permettra de bien saisir les enjeux explicités dans les analyses de cas emblématiques qui suivent : la question de la fièvre puerpérale, celle de la découverte de la responsabilité de Helicobacter pylori dans l'ulcère d'estomac, celle de la controverse scientifique à travers l'opposition entre Louis Pasteur et Félix-Archimède Pouchet sur l'existence ou non de la génération spontanée, moment important de l'évolution des travaux de Pasteur.
Enfin, non moins emblématique, la question de l'autisme est envisagée en conclusion, en analysant les variations dans la manière de le caractériser et de le classer, les différents modes d'approche, témoignant des fluctuations et des évolutions de la pensée médicale et du fait que l'idéologie joue un rôle important dans l'établissement de la pensée médicale, quelle que soit l'époque.
« La Médecine au temps des Hébreux », Bruno Halioua, Liana Levi, 350 pages, 22 euros.
« Histoire de la médecine », Catherine Allamel-Raffin, Alain Leplège, Dunod, « les Topos », 125 pages.
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